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le lyon de nos pères

mur, un curieux petit bas-relief représente une truie portant ses petits dans une hotte. — À gauche, et faisant pendant à la chapelle, un bâtiment surmonté d’une petite tour carrée sert de corps de garde ; il est occupé par des Suisses, en uniforme rouge relevé de bleu, que les étrangers, à leur langage, prennent pour des Allemands. Toutes les autres portes de la ville sont aussi gardées par des Suisses, soldés par le Consulat, mais placés sous les ordres du gouverneur ou de son lieutenant, chez qui les clefs doivent être portées chaque soir après la fermeture. À partir de 1670, les uniformes rouges seront remplacés par les uniformes blancs, à plastron et parements rouges, de la compagnie franche détachée du régiment de Lyonnais, qui fera le service des portes jusqu’au 31 mai 1791, époque à laquelle il sera supprimé. — Là est aussi la loge du commis à la porte. Les voyageurs sont invités par les gardes à mettre pied à terre et à faire connaitre leurs noms et celui de l’hôtellerie où ils veulent loger ; le commis griffonne ces indications sur un bulletin, qu’il leur délivre avec son visa, en échange d’une gratification. Munis de ce bulletin, les étrangers peuvent désormais circuler librement dans l’enceinte de la ville et se faire recevoir à leur auberge.

Longtemps encore, cette entrée de Lyon restera telle que nous venons de la voir. Le vieux pont du Rhône conservera, pendant près de cent cinquante ans, son aspect moyenageux, avec ses tours, sa redoute et sa vénérable chapelle du Saint-Esprit. Celle-ci, fort délabrée, sera sacrifiée la première, en 1773, afin de faciliter le débouché du pont sur la rue Bourgchanin, devenue rue de la Barre. Quant à la porte, elle sera menacée, en 1791, lorsque la réunion du faubourg de la Guillotière à la ville de Lyon, l’abolition des droits d’entrée et la suppression des barrières l’auront rendue inutile ; on l’accusera non seulement d’obstruer l’entrée du pont, mais encore de présenter « une masse gothique et informe ». Toutefois, elle subsistera, ainsi que la « tournelle », pendant deux années encore, mais sans gloire. Données en location à un particulier qui devra remplir l’office de surveillant, la porte et la redoute du pont de la Guillotière n’assisteront aux lugubres péripéties du siège de 1793 que pour disparaitre au milieu des représailles jacobines, comme tant d’autres victimes dont tout le crime sera d’appartenir à un passé abhorré.