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le lyon de nos pères

boutiques et jusqu’au milieu de l’étroite chaussée, nous rencontrons des convois de mulets chargés de ballots et marchant à la file, avec des frontières et des œillères de cuivre marquées aux armes royales, d’où pend un morceau de drap rouge garni de longues franges et de glands  ; la musette d’osier suspendue sous les naseaux, ces mulets viennent de loin ; ils apportent des marchandises à la Douane de Lyon. — Celle-ci est située en face du port Saint-Eloi, qui s’ouvre à notre droite, dans l’échancrure de la rue ; quelques degrés conduisent à la rivière ; là, sont amarrés de lourds bateaux, « savoyardos », sislandes ; et, des bateaux à la rive, par la passerelle de planches, vont et viennent, au milieu des marchands affairés, affaneurs, portefaix, gagne-deniers, courbés sous le poids des lourds ballots. Toutes ces marchandises vont passer à la Douane, ou être mises en vente dans les boutiques du voisinage ; boutiques des rez-de-chaussées des maisons, ornées de pimpantes et amusantes enseignes ; boutiques provisoires en bois ou simples bancs en plein air, échelonnés le long des rues et tout autour de la place de la Douane, pendant la durée de la foire. Ce petit port Saint-Eloi, qui a été réparé en 1621 — car il était tellement dégradé, qu’ « il s’y perdoit bien souvent des personnes et des chevaux » — est un des principaux ports de la navigation marchande. — L’Hôtel de la Douane est tout au fond de la place de ce nom (nos3 et 4). Il se compose de deux grands corps de bâtiment au rez-de-chaussée, à gauche, s’ouvrent plusieurs arcs de boutique ; contre le milieu de la façade est accolée une sorte de tourelle carrée et encorbellée, en forme de guérite, avec une toiture à quatre pentes ; devant le bâtiment de droite, s’avance une petite construction à large porche, servant de vestibule pour l’entrée des marchandises. La Douane de Lyon est connue dans le monde entier ; toutes les marchandises importées du Levant, celles venant d’Angleterre et d’Allemagne à destination de l’Italie et des côtes d’Espagne, même celles expédiées des provinces françaises pour l’exportation, excepté les denrées alimentaires, sont tenues d’aborder à Lyon et d’y acquitter les droits. Seuls, les négociants des treize cantons helvétiques en sont exemptés pour leurs produits nationaux et ceux des villes libres impériales, en récompense des services que les régiments suisses rendirent pendant les guerres à Francois 1er. — Les entraves créées par cette douane suscitent des plaintes incessantes. En 1632, il v eut une émeute à l’occasion de l’augmentation des droits ; le peuple pilla l’Hôtel de la Douane, s’empara des papiers et des registres et les brûla sur la place. La sédition fut apaisée par les magistrats et par le cardinal de Lyon, qui firent la promesse que les droits ne seraient pas augmentés. En même temps, le Consulat et l’archevêque intercédaient auprès du roi pour obtenir qu’il fût indulgent envers les émeutiers. Mais le roi voulut faire un exemple ; quatre

régiments furent envoyés à Lyon et logés chez les habitants. On arrêta quelques pauvres diables ; un maître des requêtes fut délégué pour faire leur procès. Cinq d’entre eux subirent la peine de mort.