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le lyon de nos pères

achalandées. Voyez comme on s’y presse. Le spectacle de cette foule bigarrée qui se croise en deux courants opposés, l'un montant vers Saint-Paul et l'autre descendant, n'est pas moins divertissant que celui de la place du Change et du Pont de Saône. Qui se douterait, aujourd'hui, que cette partie de la ville fut autrefois la plus misérable et la plus sordide ? Au commencement du xive siècle, le marché aux porcs était établi à l'endroit où nous sommes, dans la rue « de la Porcherie », et le marché aux bœufs, aux vaches et autre bétail se tenait dans

les ruelles avoisinantes, qui portaient les noms de l’Asnerie, de la Chèvrerie, de la Triperie, de la Boucherie Saint-Paul, de la Lapinerie, de la Poulaillerie, dont quelques-uns se sont conservés jusqu'à ce jour. Vers la fin du xive siècle, ce quartier était peuplé de juifs et de pauvres gens. Ce ne fut qu’en 1490 que des lettres patentes de Charles VIII ordonnèrent la translation du marché des bœufs, des vaches et des pourceaux à la Croix de Colle, devant le monastère actuel des Minimes ; le marché aux porcs fut ensuite installé sur les fossés de la Lanterne, où il se trouve encore pour peu de temps. Dans la seconde moitié du xve siècle, ces ruelles s‘étaient complétement transformées. Elles étaient, dès lors, habitées par « plusieurs honorables et notables personnes qui avaient fait édifier plusieurs grandes et belles maisons », et par un grand nombre de « marchands natifs de Milan », et d'autres villes d’Italie, « qui étaient venus y loger, eux, leurs marchandises et boutiques ». Il n’y avait plus aucune raison de maintenir le marché aux bestiaux dans le centre de ce quartier riche, et l'éloignement de cet incommode voisinage allait accroître encore sa prospérité pendant le cours du xvie. Il suffisait d’y maintenir une boucherie, indispensable a l’approvisionnement de cette partie de la rive gauche de la Saône, ainsi que le marché aux légumes et celui de la poulaillerie. Nous les rencontrerons tout à l'heure. Mais, avant de nous engager dans ce labyrinthe de petites rues, traversons encore une fois la place du Change et revenons a notre point de départ.


A la descente du Pont de Pierre s’amorce, au nord, l'interminable rue qui conduit à la porte de Vaise ; elle longe le bord de la Saône et en dessine les sinuosités ; toute la rangée des maisons, du côté oriental, baigne dans la rivière. De distance en distance, s'ouvrent des ports, qui servent de points de démarcation entre les divers tronçons de cette voie publique. Du Pont de Pierre au port Saint-Eloi, situé devant la place de la Douane, c'est la rue de Flandres ; du port Saint-Eloi au débouché de la rue de l'Angile, c'est la rue de la Saônerie ; de la rue de l’Angile jusqu'au port Saint-Paul et au Pont de bois de Saint-Vincent, la rue des Hébergeries ou Albergeries, toute bordée