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le lyon de nos pères

palmier, tout cela forme un ensemble de lignes exquises de proportions et d'harmonie, qui font de cette demeure un des plus admirables édifices privés que l’on puisse voir. Comme la plupart des habitations du côté oriental de la rue Saint-Jean, celle-ci communique, par un passage, à la berge de la Saône. — L’hôtel qui lui est contigu au midi (n° 14, voir le dessin, p. 213) est aussi un des types les plus complets de ces belles maisons bourgeoises de la fin du dont xve

siècle, nous avons déjà rencontré plus d’un modèle. L’entrée de l'escalier, en gothique fleuri, est flanquée d’un gracieux contrefort forme d’une suite de clochetons ; un dessin de charmantes ajourations, véritable broderie de pierre, surmonte l’accolade fleuronnée ; puis, ce sont les fleurons des fenêtres, les feuilles de chou des moulures, les figures des animaux apocalyptiques aux retombées des nervures du premier étage : une œuvre d’art, en un mot, que le ciseau d’un sculpteur méconnu a fouillée avec amour, comme il eût fait d’une chapelle.

La maison qui « fait front à la place du Petit Palais » (place du Gouvernement), ne se distingue guère que par ses vastes dimensions, mais il s'y attache d’importants souvenirs historiques : on l'appela, par un jeu de mots, la « maison des Cailles », et le nom lui en était resté, bien qu’une alliance l'eût, depuis longtemps, fait passer des mains de la famille Caille dans celles de la famille d'Aurillac. Elle appartenait, dans la seconde moitié du xve siècle, à ce riche et généreux Jacques Caille, conseiller de ville, qui fut le premier fondateur de l'hôpital Saint-Laurent ; et ce fut chez lui, dans cette maison, que le roi Louis XI vint prendre logis le 24 mars 1476. Il s’y trouva bien, y demeura trois mois et demi, et ne quitta Lyon que le 10 juillet, pour se rendre à Notre-Dame du Puy. C’est ici que le seigneur de Comtay vint informer officiellement le roi de la défaite de Charles le Téméraire par les Suisses, pros de Granson ; Louis XI ordonna que l’on fit faire bonne chère à ce seigneur, « qui ne faisoit pas semblant d’ouïr le peuple de Lyon chantant par les rues la honte et la ruine de cette journée, le courage des Suisses et la témérité des Bourguignons ; car, en ce tems là, il n’y avoit point de bataille qui tout aussitôt n’eût sa chanson et son vers de ville ». — Quelques jours après, le 17 avril, les conseillers « furent mandés en hostel et logis du roi » ;