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le lyon de nos pères

temps. Ce sont eux qui ont introduit à Lyon la « blanque », cette funeste loterie dont le tirage se fait au moyen de deux roues, l’une portant les numéros, l’autre l’indication des prix ou « blancs » ; quand le « maîstre de la blanque » fait placarder au Change l’affiche annonçant les conditions de la loterie et la date du tirage, on voit accourir les bourgeois Lyonnais, qui, après avoir d’abord stigmatisé ces spéculations, n’ont pas tardé à y prendre goût. C’est encore sur la place du Change que s’installent, le plus souvent, les charlatans et les bouffons

italiens ; au mois de juin 1604, cefut la fameuse troupe d’Isabelle Andreini, qui attira toute la ville ; et Braguette, l’impresario, « attrapait beaucoup d’argent en vendant ses drogues avec ses bouffonneries ». Quelques années plus tard, en 1615, ce fut le charlatan Joseph Balsamo, de Messine, lequel débitait certaine huile de sa composition, dont la vertu était infaillible dans le traitement de toutes sortes de maladies, ainsi qu’en témoignait un certificat à lui délivré par MM. les échevins. Il n’y a pas de foire sans qu’une nuée d’histrions, de saltimbanques et de guérisseurs ne s’abatte sur la ville, et le Change est toujours leur lieu de prédilection. Parfois, des marchands de tableaux, italiens ou hollandais, viennent exposer des toiles sous les arcades de la Loge ou bien dans une boutique du voisinage. — Deux jours par semaine, un marché se tient sur cette place. Enfin, le pennonage du quartier du Change y a son corps de garde.

Avant de nous éloigner, donnons un coup d’œil aux maisons qui nous entourent : ici, c’est une Trinité en bas-relief, délicate sculpture du xvi siècle, les trois têtes soutenues par deux anges ; là, de jolies impostes en fer forgé. Remarquons surtout, en face de la Loge, cette belle demeure du milieu du xv siècle, qui a sur sa façade quatre arcades ogivales à fenêtres trilobées ; elle appartenait jusqu'à ces dernières années aux Thomassin, cette vieille famille bourgeoise, enrichie par le commerce de la draperie et qui a fourni, de la fin du xiv siècle à la fin du xvi siècle, quatre conseillers de ville et un prévôt des marchands. Une cour spacieuse, élevée de plusieurs degrés au-dessus du sol, donne accès à un vestibule formé par une grande arcade, à la retombée de laquelle sont les armes des Thomassin ; un escalier « advis » dans une tour à pans dessert les différents étages ; du côté de la Saône, de grandes fenêtres à croisillons s’ouvrent au—dessus d’une large terrasse baignée par la rivière. C’est dame Catherine de Thomassin, comtesse de Belin,