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le lyon de nos pères

matin, de dix heures à onze heures et demie, dans le temps des paiements, un indescriptible brouhaha et une plaisante bousculade. Ces gens-là sont les plus gros négociants des cinq nations marchandes, Florentins, Génois, Lucquois, Milanais, Suisses et Allemands, les plus grands banquiers de Lyon et les plus habiles « courretiers » cosmopolites ; ces derniers pullulent dans cette ville, grâce à la résistance que le Consulat, jaloux de ses privilèges, a toujours

opposée au pouvoir royal, quand celui-ci voulut transformer en titres d'offices les commissions délivrées à ces agents. Lyon donne la loi à toutes les places de l’Europe, et l’on se demande comment tout ce monde pouvait tenir sur cette petite place, autrefois de la Draperie, avant que Henri II l’eût fait agrandir par la démolition de la « Maison Ronde » — agglomération de sept maisons qui en occupaient le milieu, et dont deux, entre autres, appartenaient à Claude et a Pompone de Bellièvre, le futur archevêque et le futur chancelier de France. A l’origine de la « Bourse de Lyon », qui est la plus ancienne de France et qui fut établie dès l’année 1506, les marchands et les banquiers étaient obligés de louer, aux alentours, des maisons pour s’assembler ; et comme, en temps de foire, ce carrefour était constamment traversé par des chevaux et des charrettes, — il en est encore de même aujourd’hui — les marchands florentins avaient fait daller le devant de leur loge, pour amortir le bruit, et placer des barrières, qui furent remplacées plus tard par des chaînes de fer fixées à des poteaux. A aucun prix ils n’eussent renoncé à un endroit si bien situé pour le négoce, grâce au voisinage du Pont de Saône, du port Saint-Eloi, de la Douane, des habitations occupées par les riches banquiers italiens, et des grandes hôtelleries du quartier de Saint-Paul, où ils avaient l’habitude de prendre gite et où descendent encore la plupart des étrangers. — Aussi la place du Change est-elle non seulement le lien de rendez-vous habituel des grands négociants d’outre-monts, qui viennent y flâner en s’entretenant de leurs affaires, mais encore, pour ainsi dire, le centre d’une ville toute italienne, où ils ont importé, avec l’architecture de leur pays, leurs usages, leurs mœurs et leurs passe-