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ne pourrait contenir tant de milliers hommes s’ils ne donnaient à leurs habitations une hauteur démesurée, en élevant, pour ainsi dire, trois maisons les unes sur les autres ». — Après la descente du Change, deux courants se forment dans la

foule compacte des étrangers qui viennent detraverser le pont : l'un prend, à droite, la direction de la rue de Flandres, l’autre se dirige, à gauche, vers la rue Saint-Jean. Mais un grand nombre de marchands s‘arrêtent sur la place du Change, où leurs affaires les appellent. Rien de plus curieux que l’aspect de cette petite place, aux époques des foires. C’est un perpétuel remous d'êtres humains aux costumes les plus divers, depuis le trafiquant levantin vêtu d'étoffes voyantes, jusqu’au négociant de Hambourg ou des Flandres, en habits de drap sombre bordés de fourrures. Toutes les langues, tous les dialectes se croisent, se confondent, en une incroyable cacophonie. Ce sont des cris gutturaux, des exclamations stridentes, des appels chantants et cadencés. Allemands, Suisses, Italiens, Espagnols se mêlent, s'apostrophent, discutent, avec de grands gestes, comme des histrions sur leurs tréteaux. Puis, d’une main rapide, ils tracent des signes sur un livret, et se séparent pour aller recommencer un peu plus loin le même inintelligible manège. Le perron de la Loge aux Changes est encore plus inabordable que la place. Sous les quatre arcades du modeste édifice élevé d’après les plans de l’architecte parisien Simon Gourdet, et qui n'est pas encore entièrement achevé (voir la note page 210), c’est, chaque