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le lyon de nos pères

Sans les artifices de maître Bergeret, et en plein jour, la vue du bassin de la Saône retient longtemps l’admiration de nos voyageurs. A gauche, le port Chalamont, autrefois fangeux, aujourd'hui pavé, et muni de degrés pour approcher de la berge ; plus loin, l’église des Célestins, le port du Roi, le pont de bois de Bellecour et sa curieuse perspective, les tours de Saint-Jean et les petites églises de Saint-Etienne et de Sainte-Croix ; puis, en remontant la rive

droite, le port de Roanne,le vieux Palais, la pittoresque rangée de maisons bâties au bord de la rivière, qui viennent se souder, en aval du pont, à la descente du Change ; et plus haut, le coteau verdoyant de Fourvière, parsemé de couvents et de riches habitations. Çà et là, le long des rives, les bateaux à laver, les « plattes », que le petit tailleur Benoit Besson obtint la permission d’établir, en récompense du service qu'il prétendait avoir rendu a la ville de faire fondre les glaces amoncelées près de Pierre-Scize. En amont, c’est tout le mouvement de la grosse batellerie, autour des ports de Saint-Eloi et de Saint-Paul, et plus loin, s’élève le double amphithéâtre de Pierre-Seize et de Saint-Sébastien.


A la descente du Change, la circulation est devenue presque impossible. Dans l’étroit passage laissé entre les deux rangées de maisons, il y avait déjà des bancs de changeurs au commencement du xive siècle et peut-être plus anciennement encore. Il y a maintenant plusieurs boutiques de joailliers, d’horlogers, et celle du « parfumeur du Roy » que le savant numismate Peiresc, conseiller au Parlement de Provence, mentionne, ainsi que les orfèvres Jacquemin et Guainier, de la rue Saint-Jean, parmi les Lyonnais curieux d’antiquités avec lesquels il fut en relations.

Nous entrons dans la vieille ville. Ici, plus encore que sur la rive gauche de la Saône, les habitations se pressent les unes contre les autres, se disputent le moindre espace, s’avancent jusqu’au bord de la rive et jusque sur le courant. A voir, sur le coteau, s‘étager à l'aise les jardins et de vastes demeures, on se prend à partager l’étonnement manifesté par le chancelier de l’Hospital, dans son récit en vers latins du voyage qu'il fit en 1559, lorsqu’il accompagnait Marguerite de Valois, sœur de Henri II, et l'on constate avec lui que, pour avoir préféré le brouillard de la Saône à l’air pur des hauteurs, la vieille ville s’est resserrée dans un espace si étroit « quelle