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le lyon de nos pères

l'« Arche Merveilleuse » ou « Are des Merveilles», qui enjambe si hardiment l'endroit le plus profond de la rivière. Chaque année, au mois de juin, pendant près de trois siècles, elle vit passer le cortège nautique de la fête qui lui donna son nom, « feste de grande réjouissance », annoncée à cris et à sons de trompe dans la ville et les campagnes environnantes, et qui attirait une multitude

d’étrangers. Tandis que sonnaient les cloches de toutes les églises, le Chapitre et les prêtres de la Cathédrale, le clergé de Saint-Paul, celui de Saint-Just, les moines de l’Ile-Barbe et d’Ainay, montés dans des bateaux décorés de feuillages, de banderoles et de riches draperies, descendaient lentement, depuis Vaise, le cours de la Saône, en chantant des psaumes ; c'étaient ensuite une flottille d’embarcations ornées d'oriflammes et portant les magistrats en costume d’apparat, les représentants des églises, les ordres religieux, les corporations avec leurs emblèmes ; enfin, sur le Bucentaure, énorme bateau équipé par « les plus apparens

de la cité » et armé pour un combat nautique, se pressaient des musiciens, des acteurs séculiers, mêlant leurs joies profanes à l'allégresse des cantiques. Après une halte à Pierre-Scize, la procession arrivait au Pont de Saône; prenant la tête du cortège, le bateau d’Ainay passait sous l'Arc Merveilleux, suivi de celui de l'Ile-Barbe, puis de ceux de Saint-Paul, de Saint-Just, de Saint-Jean ; les autres barques défilaient à leur tour, et la procession poursuivait sa route jusqu’au port d’Ainay, où les églises débarquaient, aux sons des cloches lancées à toute volée, pour se rendre à l'église abbatiale et, de là, à l'église de Saint-Nizier. Après la fête religieuse, le reste du jour se passait en joyeux « esbattemens ». On amenait des taureaux sur le Pont de Saône ; par la porte placée au—dessus de l’Arc Merveilleux, on les précipitait dans la rivière, et des mariniers à la nage ou montés sur des barques se mettaient à leur poursuite, sous les yeux du peuple avide de spectacle, et les ramenaient sur la rive, où on les abattait et les dépeçait pour les faire servir aux festins du jour. — Déjà en ce temps-là, il y avait des constructions sur le Pont de Saône ; ce fut en 1309 que le chevalier Henri d’Albon, propriétaire de plusieurs maisons voisines de l’Are Merveilleux, obtint des échevins et conseillers de ville la permission d'appuyer ces bâtiments par des piliers et des arcs-boutants de maçonnerie posés sur l'arche même, à la condition qu’il répondrait de tous les