vendeur de petits livrets imprimés sur du papier à chandelles, illustrés de grossières figures sur bois : les Histoires des Quatre fils Aymon, les Aventures de Tiel l'Espiègle… Il y en a pour tous les goûts. Mais laissons les merciers et les libraires. Ecoutons ces chanteurs qui s'accompagnent sur la harpe ; ce sont des Allemands, venus à la suite des gros marchands d'outre-Rhin, et qui profitent de la foire à leur manière. Là-bas, les passants se pressent autour de charlatans italiens qui vendent leur baume et jouent des farces; plus loin, c'est un banquiste, qui fait des tours de gobelets ; et voilà deux bons marchands en train d’acheter
de belles poupées, qu'ils rapporteront à leurs enfants quand ils retourneront dans leur pays. — Nos compagnons s’amusent au spectacle si animé que présente cette foule bruyante où se coudoient des gens de toutes les nations, vêtus des costumes les plus variés, et parlant toutes sortes de langues. Ils admirent le coup d'œil de la Saône et de ses rives, où les perspectives se déploient en courbes harmonieuses; penchés sur le parefou, ils contemplent avec curiosité les piles massives, dont les matériaux, comme ceux du Pont du Rhône, proviennent, pour la plupart, de monuments romains et sont revêtus d'inscriptions antiques ; ils comptent les arches — il y en a neuf — jetées tantôt sur un gouffre, tantôt sur des écueils de granit : elles ont toute leur histoire, ces arches vénérables, entreprises comme œuvres pies, bâties à grands frais et à de longs intervalles, celles-ci, dit-on, par l'archevêque Humbert Ier au XIe siécle, celle-là par le grand-custode Tédin, cette autre par Aldegarde, mère du doyen Duranus ; mais cette histoire lointaine, peut-être enfouie quelque part dans la poussière des archives, s'est effacée de la mémoire des hommes. Une seule de ces antiques arcades conserve une illustration presque légendaire : c'est la première du côte de Saint-Nizier,
