Page:Le Lyon de nos pères - Emmanuel Vingtrinier.pdf/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
le lyon de nos pères

singulièrement à l'embellissement des rues ; c'est une des particularités qui, dans cette ville sombre aux voies étroites et aux maisons démesurément hautes, séduisent le plus les étrangers.


Essayons maintenant de nous frayer un chemin au milieu de l'affluence des piétons, des cavaliers, des charrettes, qui se croisent sans cesse dans le couloir que forme entrée du pont et qui, à tout moment, interceptent le passage. En tout temps, le Pont de Saône est fort encombré ; depuis la construction des ponts de bois de Bellecour et de Saint-Vincent, il a simplement changé de nom : on l'appelle le « Pont de Pierre » pour le distinguer des deux autres ; mais c'est toujours la principale voie de communication entre les deux rives, et la traversée en est toujours difficile, souvent dangereuse, surtout — comme a présent — aux époques des foires. De chaque côté et d'une descente à l'autre, ce ne sont que marchands et marchandises ; depuis les merciers et les savetiers jusqu’aux vendeurs de « vieulx ferremens », tous les petits commerces sont représentés ici ; les étalages accaparent les parapets et la moitié de la chaussée. C'est

en vain que le Consulat a rendu ordonnance sur ordonnance pour enjoindre au vover de la ville de « faire vuider de dessus le pont » ces marchands encombrants ; ceux-ci n’abandonnent la place que pour la reprendre le lendemain. C'est une tradition plusieurs fois séculaire ; les défenses des échevins n’ont pas plus de résultat que n’en avaient jadis celles de l'archevêque. L'endroit est, du reste, un des meilleurs de la ville, et l'on annonce que les sieurs Dubois et de Bellefonds viennent d’obtenir, à la barbe de messieurs du Consulat, un brevet du roi qui les autorise à faire poser des boutiques portatives sur le Pont de Pierre, à l'Herberie et à Saint-Nizier, même aux Cordeliers et aux Terreaux, pour y faire vendre par les marchands toutes sortes de denrées, à la condition toutefois — et c'est ici que le voyer n’aura que trop souvent motif d’intervenir — que ces échoppes ne gênent pas la circulation sur la voie publique. — Prenons garde à ces roussins crottés jusqu'aux sangles, que leurs butors de cavaliers font trotter, au risque de renverser le pauvre monde. Qu’est-ce que débite ce bonhomme, avec sa voix criarde ? C'est un