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Parmi les écrits du temps, on avait sous la main les descriptions laissées par trois voyageurs étrangers qui visitèrent Lyon dans la première moitié du XVIIe siècle : Zinzerling, Golnitz (traduit et annoté par M. Vachez), Thomas Coryat (par M. de Montaiglon). D’une époque postérieure, les notes de Debombourg sur les œuvres d’art et la Description de Clapasson pouvaient encore être consultées avec fruit. On a mis à contribution un grand nombre de monographies  : Le Mandement de Béchevelin, les Religieuses de Sainte-Claire, de M. Steyert, les Grands Jubilés de Saint-Jean, de M. Sachet, le Couvent des Minimes, de M. Vanel, etc. ; les études archéologiques de Saint Olire, les « petites chroniques » de Morel de Voleine, les recherches de M. Félis Descernay sur les rues de Lyon, les divers travaux de M. Auguste Bleton sur nos monuments et notre histoire, des notes inédites de Vermorel sur l’ancienne topographie lyonnaise, celles de M. Charrel sur nos architectes, et une foule d’autres sources, de plus souvent indiquées dans le corps de l’ouvrage.

Autant qu’il était possible, soit dans de teste, soit dans les notes placées en bas des gravures, on à rappelé les changements successifs qu’ont subis les lieux, les édifices, les noms des rues.

« — À quoi bon, direz-vous, fouiller toutes ces ruines, remuer toutes ces cendres ? Un tel labeur n’est-il pas encore plus inutile qu’il n’est mélancolique ? Il n’y a plus, aujourd’hui, d’intéressant que la vie ! » — Mais n’est-ce pas encore de la vie — la vie de nos aïeux — que racontent les monuments du passé ? Un de nos jeunes écrivains l’a joliment exprimé dans celle formule : « Les vieilles villes rappellent les vieilles gens ». Nos vieilles villes gardent, en effet, le souvenir des mœurs, des besoins, du bien-être ou de la misère, en un mot, de l’existence publique et privée des ancêtres.

Faut-il ajouter que, nulle part peut-être plus qu’à Lyon les variations du goût public ne sont allées plus loin dans la fureur de destruction, contre les œuvres que l’âme de nos pères avait marquées de son empreinte ? Que sont devenues les églises des Jacobins, des Grands-Carmes, de l’Observance, des Carmélites ? et le château de Pierre-Scize, et les portes fortifiées, et tant de charmantes habitations particulières, sacrifiées aux calculs de l’intérêt ou aux stupides exigences de la voirie ? Sans avoir l’excuse des passions qui servirent de mobile à la Réforme et à la Révolution, des régimes soi-disant conservateurs ont, en pleine paix, pratiqué le vandalisme, accumulé des ruines. Avec la manie persistante de tout détruire, Lyon perd de plus en plus sa physionomie pittoresque et revêt celle navrante uniformité qui imprime à toutes nos villes un même aspect d’ennui, « l’ennui des villes neuvres », disait Morel de Voleine.

Ceux qui ont, à la fois, l’amour de la cité natale et quelque peu le sentiment de l’art voudront du moins se donner la consolation de retrouver une image, si imparfaite qu’elle soit, du Lyon de nos Pères.

La forme employée dans la description pourra faire l’objet de certaines critiques. Toutefois, de lecteur voudra bien tenir compte des difficultés qu’il y avait à surmonter — par exemple pour décrire les lieux sans l’aide d’aucun plan — et pardonner, en raison de sa nouveauté, la témérité de l’entreprise.

Au public, et particulièrement aux érudits, d’apprécier si, de l’ensemble du livre, se dégage avec quelque netteté la physionomie si curieuse et si intéressante de la ville Lyon vers le milieu du XVIIesiècle.

E. V.
Lyon, le 23 Septembre 1901.