Page:Le Lyon de nos pères - Emmanuel Vingtrinier.pdf/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
le lyon de nos pères

Les mesureurs de blé avaient naguère établi, au port de la Feuillée, un « couvert d’ais » et de branches revêtues de leur feuillage, sous lequel ils s’abritaient du soleil, ainsi que les affaneurs, les bateliers et autres gens de rivière ; mais comme ce réduit servait d’asile aux fainéants, qui s'y livraient à la dissipation et à la débauche, les échevins ne permettent plus aux mesureurs de blé d’élever ces sortes d’abri qu’a l’époque de leur fête et pour une durée de huit jours.

Au midi du port de la Feuillée, à l’endroit même où s’ouvrait jadis la fausse porte Chenevier démolie en 1559, commence la rue de la Pescherie, affreux couloir descendant le long de la Saône. Toute la rangée de maisons située au couchant baigne dans la rivière ; elle est coupée, de distance en distance, par d’étroites ruelles et un passage voûté, conduisant au bord de l’eau, où s’alignent les « vaisseaux » (bachuts) dans lesquels on conserve les poissons : ce qui avait fait donner à cette partie de la rue le nom de rue de la « Veysselerie » où de la « Tonnelerie ». Plusieurs ateliers de teinturiers occupent les rez-de-chaussée des constructions qui bordent la rivière. Il y avait là, autrefois, des étuves, que l’on fit fermer vers 1545, avec toutes celles qui pullulaient dans les mauvaises rues, à cause des scandales dont se plaignaient les voisins. La rue de la Pescherie était d’ailleurs habitée, vers la fin du xve siècle, par un certain nombre de libraires et d’imprimeurs. Molière y logera, en 1657, dans la maison de la Fleur de Lys, avec Joany Le Masson dit Lombard, comédien du Roy, et il tiendra sur les fonts, en l’église de Notre-Dame de la Platière, un enfant de son camarade, à qui la comédienne Marie Aubert servira de marraine.

L’église de la Platière est au levant, sur la petite place toute biscornue qui porte ce nom ; son entrée est vis-à-vis du débouché communiquant à la rue de la Pescherie. Au-dessus du chœur, près de l'angle de la rue de la Lanterne, où l’on voit l’abside en demi-hexagone, éclairée par trois fenêtres égales, s’élève le clocher carré, à deux étages, percé sur chaque face de cinq ouvertures, et surmonté d’un faitage pyramidal flanqué de quatre cornes tumulaires, comme celui d’Ainay (voir plus haut, p. 197). Cette petite église, à une seul nef, fut en effet reconstruite, vers la fin du xie siècle, sur l’emplacement de l'antique chapelle de Sainte-Marie-aux-Bois, laquelle datait,