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le lyon de nos pères

qui, en sa qualité de prévôt des marchands, ne se rend à la Maison de Ville que sous l’escorte de deux mandeurs. Ces consuls sont des personnages considérables ; sur leur passage, les gens se découvrent et saluent très bas. Mais, pour bien juger de leur importance et surtout de leur faste, il faut voir les magistrats de la ville dans les cérémonies publiques. En tête, le bâton d’argent à la main, marchent les mandeurs en robes de drap violet, grandes manches d’écarlate brodées de fleurons d’argent avec le grand écusson aux armes de la ville, et leurs coadjuteurs vêtus de même et portant à la manche le petit écusson. Puis, précédés par le capitaine de la ville, qui se tient un peu sur la gauche, s’avancent le prévôt des marchands, en robe de satin violet doublée de même couleur, et le cordon d’or au chapeau ; les échevins, deux à deux, en leurs robes consulaires de damas violet doublées de velours de même couleur ; le procureur général, flanqué des deux officiers du corps, tous trois vêtus comme les échevins ; ensuite, marchant aussi deux à deux, les ex-consuls, en robes noires de drap d’Espagne ou de gros de Naples. Enfin, de chaque côté du cortège, filent un à un, le long des rangs, les arquebusiers commandés pour l’escorte, les lieutenants, enseignes ou sergents suivis par les soldats de la compagnie, tous habillés de violet, « armés de cuirasses et de hallebardes ». Tel est l’appareil du Consulat, quand il se montre dans les cérémonies publiques. Des deux cents arquebusiers qui composent sa garde particulière et celle de la ville, cinquante font un service continuel ; les autres fournissent, chaque soir, le nombre d’hommes nécessaire pour faire des patrouilles et garder le poste de l’Hôtel de Ville avec la compagnie de cinquante hommes à pied du guet. Tous les ans, les deux sergents des arquebusiers plantent un « mai » devant la Maison commune, ainsi que devant l’hôtel du prévôt des marchands et ceux du gouverneur et de l’intendant. Le modeste Hôtel de Ville de la rue Vandran ne verra plus cette curieuse coutume se reproduire qu’un petit nombre de fois. Le Consulat s’y trouve trop à l’étroit et juge cette vieille demeure « gothique » indigne de son faste et de ses prétentions aristocratiques. Depuis longtemps, il a formé le projet de faire élever sur la place des Terreaux un vaste et magnifique hôtel, dont l’aspect excitera l’admiration et attestera aux étrangers que Lyon est bien la seconde ville du Royaume.

Il nous reste à visiter la partie occidentale de la rue Vandran (rue Poulaillerie) ; elle fut habitée, à la fin du xiie siècle, par Pierre de Vaud ou Valdo, chef de la secte des Vaudois ou Pauvres de Lyon, et c’est pour cela qu’elle reçut le nom de « rue Maudicte », qu’elle portait encore au xvie siècle. Nous voilà dans la rue de la Draperie (voir ci-dessus la note, p. 177). La-bas, à l’angle occidental de la rue de Basse-Grenette et de la rue Chalamont (partie occidentale de la rue Dubois), nous apercevons la belle maison des Trois Pigeons avec ses quatre grandes portes sur la façade. Autour de nous, ce ne sont, jusqu’à Saint-Nizier, que boutiques de drapiers drapant ; ce commerce, autrefois si prospère à Lyon, commence à diminuer au profit des villes du Midi, depuis le rétablissement, en 1627, de la douane de Valence ; mais c’est encore dans la draperie que se font les plus nombreuses et les plus solides fortunes lyonnaises.

Depuis un instant, nous voyons se dresser, svelte et grise dans la brume légère, la haute flèche de Saint-Nirier, autour de laquelle se presse la ville des bourgeois et des marchands. La belle église gothique apparaît, à notre droite, dans son imposante harmonie. En face de nous, et devant le portail septentrional de Saint-Nizier, une construction occupe la partie nord de la place :