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le lyon de nos pères

toiture, se dresser cette tour, apanage de la noblesse ? Or, messire le châtelain vient d’établir les prix des blés et va faire placarder le « carcabeau ». — Mais

quel vacarme et quels cris discordants ! Ce n’était pas assez de ce porteur de balle qui glapit à nos oreilles : « Fine aiguille ! » Voilà le crieur des animaux perdus qui commence sa litanie, au milieu d’un groupe de paysans près d’en venir aux coups pour un marché d’avoine. Ils n’entendent même pas ces cavaliers arrivant au galop, couverts de poussière, des négociants étrangers sans doute en quête d’un logis. — Nous sommes ici au cœur et au centre de Lyon. Au couchant, la vue fait un coude en face des halles, pour se prolonger vers le nord et prendre le nom de rue de Basse-Grenette (tronçon de la rue Centrale). Le « carré de la Grenette », depuis cette maison-ci, jadis habitée par certaine « belle barbière » dont le renom ne s’est point encore perdu, jusqu’à l’enseigne du Dieu Bacchus et à celle du Sauvage, au coin de la rue de l’Aumône (tronçon de la rue de l’Hôtel-de-Ville}, a été le théâtre d’une foule de spectacles, les uns joyeux, les autres lugubres. — Pendant les séjours de Charles VIII et de Louis XII, les gentilshommes y donnèrent des joutes, de brillants tournois, et ce n’était, aux alentours, « que béhourdis, que merveilleux passe-tems ». Mais les fêtes avaient souvent de tragiques lendemains. Quand survenait la disette ou quelque impôt trop lourd, c’était au carré de la Grenette que commençaient à gronder les fureurs populaires. La rebeyne comprimée, on s’emparait des principaux mutins, on plantait des potences aux quatre coins du carrefour, et la foule ne tardait pas à voir les cadavres des « bélîtres » se balancer entre ciel et terre.

La hideuse estrapade, cet instrument de supplice importé d’outre-monts, était là, dressée en permanence, comme une perpétuelle menace pour les criminels, les ferrailleurs et autres perturbateurs du