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le lyon de nos pères

rue de Notre-Dame de Confort, la foule se presse devant le tréteau d’un charlatan superbement empanaché. Le bateleur se démène, gesticule avec mille contorsions grotesques, à la manière des baladins d’outre-monts, et, d’une voix glapissante, débite un extraordinaire boniment. Approchons-nous, Palsambleu !

c’est le signor Giacomo de Gorla, « premier opérateur du Roy », s’il vous plait, qui vend ses drogues et arrache les dents avec sa dextérité sans rivale. Mais il s’est lu, et à côté de lui s’est avancée une enfant vêtue d’oripeaux ; la petite est d’une grande beauté ; elle fait sa révérence, posément, à la façon des grandes dames, puis elle commence à danser, et ses pas ont tant de légèreté, son maintien tant de noblesse que le public applaudit avec fureur et laisse tomber dans la sébille une pluie de menue monnaie. Dix ans plus tard, Marquise-Thérèse de Gorla épousera, dans l’église Sainte-Croix, René Berthelot, dit Duparc, et deviendra bientôt la plus célèbre comédienne de la troupe de Molière. — Tout à coup, un son de trompe retentit à l'autre bout du carrefour, et aussitôt les gens de courir pour entendre publier une ordonnance de Messieurs les échevins, que le trompette de la ville ira « crier » de nouveau à la Grenette, à l’Herberie, aux deux descentes du pont de Saône et sur la place du Change. — Cette petite place de Confort était déjà, au temps de Rabelais, le lieu de rendez-vous des désœuvrés et des curieux de nouvelles : à cette époque, elle était encore comprise dans le claustral des Jacobins, dont le grand portail s’ouvrait en face de la Grande rue Mercière. Les « bavards de Confort » se réunissaient, près de la croix, sur la calade de l’église, ou à l'entrée de la rue du Raisin (rue Jean-de-Tournes) — qui va aboutir à la Grande rue de l'Hôpital — devant la boutique à l’enseigne d’Icare, où François Juste imprimait la Vie inestimable du Grand Gargantua et la grand Nef des Folz. C'est là, au centre du quartier de l’imprimerie et de la librairie, que venaient,