Page:Le Lyon de nos pères - Emmanuel Vingtrinier.pdf/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
le lyon de nos pères

du port du Temple, l’Hôtel de la Monnoye, établi précédemment dans la rue du Bœuf, est installé, depuis l’année 1600, dans un immeuble qui appartenait à Antoine Grollier de Servière, et qui fait l’angle de la rue de la Monnoye et de la vue Ecorche-Bœuf ; on frappe, dans cet important atelier monétaire, de toutes les espèces qui ont cours en France.

Plus loin, en remontant le long du port, après la rue Saint-Antoine (rue Petit-David) se trouvent l’église et le monastère des Antonins, dont l’entrée regarde la Saône. Voilà justement deux religieux qui viennent à nous, portant, sur leur robe noire, le manteau noir marqué à la poitrine de la croix bleue en forme de T, figurant la béquille sur laquelle se soutiennent les malades. Cette maison était autrefois un hôpital spécialement réservé aux malheureux estropiés par des contractions nerveuses, maladie très fréquente au moyen âge : c’est pourquoi on la nommait « l’hôpital de la Contracterie ». À la fin du xiiie siècle, l’archevêque Aymar de Roussillon remit la maison aux religieux hospitaliers de Saint-Antoine de Viennois, qui en firent une Commanderie de leur ordre, à la condition de recevoir les malades pauvres. Mais le mal appelé « feu de Saint-Antoine » a disparu, et les Antonins ne reçoivent plus de malades ; ce ne sont plus que des chanoines réguliers : ils ont subi une réforme sous Louis XIII. Il en est une que leurs voisins ont vainement appelée de leurs vœux et qui se fera longtemps attendre : les Antonins jouissent du singulier privilège de laisser leurs pourceaux, avec une clochette au cou et la marque de Saint-Antoine, vaguer par la ville et s’engraisser dans les boues des rues ; ces animaux répandent l’infection dans tout le quartier ; plus d’une fois, le Consulat menaça de les faire tuer par l’exécuteur des hautes-œuvres ; mais il s’écoulera encore près d’un siècle avant que le rachat du privilège délivre les habitants de ces désagréables promeneurs. — La vieille petite église des Antonins, avec son abside basse, percée de cinq baies étroites, la rosace flanquée de deux fenêtres qui éclairent le haut de la nef, et son clocher trapu, qui ne dépasse pas les tourelles des maisons environnantes, n’a rien qui attire la curiosité ; elle possède, du moins, de nombreuses reliques, et l'on y compte jusqu’à onze corps de saints. Quand Jacques Mimerel l'aura reconstruite sur des plans apportés de Rome, l’église de Saint-Antoine sera une des plus jolies et des mieux décorées de la ville. Dans le cloitre, est une chapelle dédiée à sainte Agathe : à la suite d’un grand incendie qui, en 1668, consumera plusieurs maisons, le Consulat mettra la ville sous la protection de saint Antoine et de sainte Agathe, et, dès lors, chaque année, à la fête de la sainte, il assistera on robe noire à une messe célébrée dans l’église des Antonins et offrira à la chapelle de sainte Agathe un cierge et un cœur de cire blanche.

Par la sombre rue Écorche-Bœuf, dirigeons-nous maintenant vers la place de Confort. Cette ruelle, anciennement dénommée rue du Temple, rappelle la mémoire de Claude Corneille de la Haye, le célèbre portraitiste, devant qui avaient posé, comme le dit Brantôme, tous les grands personnages de son temps, entre autres Henri II, François II, Charles IX et la reine Catherine de Médicis, qu’il peignit en pied au milieu de ses trois filles. Claude Corneille s’était retiré à Lyon et avait acheté trois maisons dans cette petite rue du Temple ; c’est là qu’il passa les trente dernières années de sa vie, entouré de sa femme et de sa fille, laquelle aussi, d’après le témoignage d’Antoine du Verdier, « peignoit divinement bien ». — À l’extrémité orientale de la rue Écorche-Bœuf, sur la façade de la maison de la Tour de l’Ange, qui fait le coin de la place de Confort, une inscription conserve le souvenir d’une des plus terribles inondations dont la ville de Lyon ait souffert : « L’an