Page:Le Lyon de nos pères - Emmanuel Vingtrinier.pdf/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
le lyon de nos pères

14 juillet, on y vient en pèlerinage ; les mères amènent leurs enfants malades où infirmes et implorent le secours du saint, qui a été choisi comme patron des enfants de Lyon. — Au midi, s’élèvent encore d’autres bâtiments, avec l’ancien dortoir, l’ancienne salle de conférence, de sorte que le claustral renferme pour ainsi dire deux couvents. Un beau jardin, un verger plein d’arbres à fruits rompent la sévérité des constructions monacales. Il n’y a peut-être pas, dans toute la ville, d’habitation plus spacieuse ni plus agréable. C’est là qu’un lieutenant de François Ier, Jean-Jacques Trivulce, voulut fixer sa résidence. Les notables bourgeois y tinrent d’importantes réunions. Maintes fois, les Cordeliers firent représenter dans leur cloitre les « beaux mystères » de la Passion et de la Conception de Notre-Dame. Quand la terrible famine de 1531 fit affluer dans les murs de Lyon, « en grandes troupes et à pleins bateaux », les misérables habitants des campagnes, décharnés et « comme de pures anatomies vivantes », ce fut aux Cordeliers que s’organisèrent les secours : sept où huit mille pauvres y reçurent la première distribution de pain et un jeton qui leur donnait entrée dans l’un des cinq hôpitaux de la ville. Quand, plus tard, avec le reliquat des fonds recueillis pour le soulagement de ces malheureux, la charité ingénieuse des Lyonnais créa un service régulier d’assistance, ce fut dans ce couvent même que l’Aumône générale fit bâtie son premier bureau, ses greniers, sa boulangerie, et un petit cloître pour y entendre les requêtes des indigents. C’est d’ici, avant la construction de la Charité, que partait, chaque année, la procession des pauvres. Et ceux-ci n’ont pas oublié le chemin du monastère ; au moment où nous sortons du cloitre, nous en apercevons un grand nombre qui se pressent à la porte, afin de prendre part à la distribution de la soupe et des restes du réfectoire.

L’instant d’après, nous nous trouvons sur la place des Cordeliers, devant la façade de l’église. Elle est fort simple : au grand portail, des feuillages délicatement sculptés ; au-dessus, une rosace aux élégantes nervures ; puis, les armes de Simon de Rovedis, dit de Pavie, qui fut médecin de Charles VII et de Louis XI, et, entre le grand portail et la porte de la nef occidentale, une longue

inscription rimée, en lettres gothiques, et datée de 1470, rappelant que cette façade et les trois dernières travées de l’église furent élevées aux frais de ce pieux personnage. L’intérieur de l’église — qui est, après la Cathédrale, la plus vaste de Lyon — a la sévère simplicité des églises des Frères Mineurs. Voûte à croisée d’ogive, portant à la clef les armes des bienfaiteurs, entre autres celles de Jacques II de Grôlée, qui fonda l’église, et la croix blanche de Savoie ; piliers flanqués de pilastres à angles abattus, avec des chapiteaux sans sculptures : c’est toute l’austérité du cloitre. Mais les grandes fenêtres élancées du chœur, les vitraux richement colorés, la décoration des chapelles et des autels adossés autour de chaque pilier, les tableaux accrochés de toutes parts font oublier la