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le lyon de nos pères

Sainte-Hélène, elle-même, ne dépasse pas quinze pieds. Les besoins de la circulation n’exigent pas encore de plus larges voies, et l’on attendra près d’un demi-siècle avant que les alignements ne fixent une largeur de trente et un pieds (10m), qui sera même diminuée sous la Révolution.

A l’angle nord de la rue de l’Arsenal et de la vue Sala, s’élève la maison forte ou maison noble de Villeneuve-le-Plat (n° 21, rue Sala), accompagnée de très vastes jardins qui s’étendent, presque jusqu’à la rue Saint-Joseph, entre la rue Sala et les maisons bâties au midi de la place Bellecour. C’est le domaine, encore très considérable, que Claudine Laurencin s’était réservé, et qui resta la propriété de sa famille jusqu’à la fin du xvie siècle. La maison seigneuriale de Villeneuve-le-Plat, également appelée la maison ou l’hôtel du Plat, fut le théâtre de plusieurs événements. C’est là qu’en 1536 le dauphin François, fils ainé de François Ier, but, à la suite d’une partie de paume, le verre d’eau glacée que lui présenta Sébastien Montecuculli et qui provoqua la fluxion de poitrine dont il mourut, quatre jours après, à Tournon. C’est là qu’un jour de septembre de l’année 1561 la veuve de Jean du Peyrat reçut l’affreuse nouvelle de la mort de son fils Jean, capitaine d’une compagnie de chevau-légers, fiancé à Clémence de Bourges, qui venait d’être tué par les huguenots au siège de Beaurepaire ; et, si l’autre fils de Claudine Laurencin, Maurice du Peyrat, sollicita l’atroce mission d’apporter l’ordre de massacrer les huguenots, le jour des Vêpres lyonnaises, c’est peut-être plus pour venger la mort de son frère que pour faire, comme on l’a dit, sa cour à Charles IX. C’est là aussi que, Le 1er septembre 1583, la « nation florentine » offrit à Henri III un bal et une collation, « après quoi Sa Majesté alla voir les passe-temps de balle forcée », donnés par cent cinquante jeunes hommes vêtus les uns de satin rose et les autres de satin blanc. — Quelques années plus tard, la maison noble de Villenenve-le-Plat passait en d’autres mains, et Marie Athiaud, une des femmes les plus distinguées de la société lyonnaise au temps de Henri IV, l’apportait en dot à Pierre de Boissat, vice-bailli de Viennois, fils d’un savant helléniste, lettré lui-même, et père de ce Pierre de Boissat, gentilhomme de Gaston d’Orléans, qui est aujourd’hui membre de l’Académie française. Le domaine appartient encore à cette famille. Mais, le père mort, l’ainé des deux fils survivants, André Athiaud de Boissat, qui revient des armées après avoir combattu sous les ordres de Lesdiguières, fait les campagnes d’Italie et de Catalogne, et qui servira sous Turenne, pendant les troubles de la Fronde, en qualité de lieutenant général de cavalerie, va s’empresser de démembrer la propriété paternelle, et vendra même, en 1649, la maison forte et la vente noble de Villeneuve-le-Plat, à Pierre Perrachon, seigneur de Saint-Maurice, trésorier de France, celui qui se fera bâtir, deux ans après, par Gérard Désargues, le bel hôtel du port du Roi (hôtel de l’Europe).

C’est dans les dépendances de la maison du Plat, qu’après diverses tentatives infructueuses, la première Académie rovale d’équitation doit se fonder, en 1645, sous la direction de Duclepier, écuyer de la grande écurie du roi. Elle occupera, à l’angle de la rue Sala, un grand carré dans lequel seront installés un manège, des écuries, des hangars, des remises et des fenils (n° 11 à 21 de la rue Sala, 27 et 29 de la rue du Plat ; la rue Pomme-de-Pin était un passage intérieur de l’Académie). Cette école fera l’admiration de l’enthousiaste Chappuzeau : « Il se trouve au quartier de Bellecour — écrira-t-il — une Académie que la beauté de son manège et les écoliers qui la remplissent rendent un des ornements de la cité. Son écuyer (Jacques Forestier) est un des mieux montés, et a fait dresser des écuries pour cinquante chevaux. C’est là qu’avec celui du cheval, s’apprennent tous