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le lyon de nos pères

de cet hôtel s’ouvrira sur un jardin ; elle sera décorée d’un trophée d’ares et de carquois, avec un mascaron couronné de plumes. C’est là que, jusqu’à la Révolution, les Chevaliers de l’Arc s’assembleront chaque dimanche, parfois la semaine, et tireront à la butte un prix de trois jetons, au milieu de leurs familles et de leurs invités, qui viendront assister à leurs exercices, se promener dans le jardin et prendre des rafraichissements.


Le côté septentrional de la rue Sainte-Hélène, entre la rue Saint-Joseph, la rue Sala et le rempart au bord du Rhône, n’est encore occupé que par des enclos de jardiniers et quelques rares maisons. C’est chez un jardinier demeurant dans cette rue « près les Jésuites de Saint-Joseph », que le poète-pâtissier Cyprien Ragueneau, qui, sous le nom de l’Estang, aura suivi la troupe de Molière en province, viendra louer une chambre et une galerie, au mois d’octobre 1653, et qu’il mourra l’année suivante. C’est dans le voisinage, peut-être aussi dans la même maison, qu’un logement sera loué, le 1er octobre 1652, par un gentilhomme bourguignon, le baron de Digoine, qui, s’étant lié avec Madeleine Béjart et les autres comédiens de la troupe de Molière, les aura suivis à Lyon.

À la différence de la partie méridionale de la presqu’ile, celle qui s’étend entre la rue Sainte-Hélène et Bellecour est sillonnée par plusieurs rues, tracées régulièrement du sud au nord et de l’est à l’ouest, mais beaucoup moins larges qu’elles ne le seront au xixe siècle. C’est le quartier de Villeneuve-le-Plat, créé, au milieu du xvie siècle, — sur des terrains que les abbés d’Ainay avaient abénévisés depuis trois cents ans, — par Jean du Peyrat, lieutenant-général de la Sénéchaussée de Lyon, et par sa veuve, Claudine Laurencin, épouse en secondes noces de François Sala, seigneur de Montjustin. Chacune des rues de ce quartier a reçu le nom ou le prénom d’un membre de cette famille, En suivant le côté nord de la rue Sainte-Hélène à partir du Rhône, nous trouvons d’abord la rue de la Madeleine (de la Charité), ainsi appelée en mémoire de Madeleine, fille de Jean du Peyrat ; elle coupe le territoire du Petit-Plat, compris entre les rues Sainte-Hélène, Saint-Joseph, Sala et le rempart du Rhône, où de vastes terrains appartiennent aux descendants de Guillaume Rouville, et se prolonge jusqu’à Bellecour. La rue Saint-Joseph, qui lui est parallèle, et qui a pris son nouveau nom du Noviciat des Jésuites auquel elle aboutit, s’appelait auparavant rue Saint-Jacques, du prénom de Jacques Laurencin, parent de Claudine (cf. M. Steyert). Chemin faisant, nous rencontrerons encore d’autres rues dont les noms rappellent des personnages de la même famille. Dans la première partie de la rue Saint-Joseph, et du côté oriental, se trouve une propriété (nos 19 et 21) appartenant au maître-imprimeur Julliéron, dont l’aïeul reçut de Henri IV le titre d’imprimeur du roi, pour avoir contribué à faire rentrer la ville de Lyon sous l’obéissance royale, et qui lui-même, présenté à Louis XIII, fut, de sa main, ceint de l’épée et du baudrier, et emmené avec lui dans le Roussillon. — Du côté occidental de cette première partie de la rue Saint-Joseph, s’étend le monastère de la Visitation de Sainte-Marie de Bellecour, qui a sa façade sur la rue Sala. En longeant, dans la rue Sainte-Hélène, le claustral de ce monastère, nous remarquons, à son extrémité, l’humble maisonnette du jardinier, située en dehors de la clôture : c’est ici que, le 28 décembre 1622, est mort saint François de Sales, fondateur, avec Mme de Chantal, de l’ordre de la Visitation ; depuis lors, cette maisonnette est un objet de vénération pour les fidèles, qui