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le lyon de nos pères

étroites fenêtres qui ne laissent filtrer à travers les vitraux qu’une mystérieuse lumière, enfin le porche de forme antique dont il subsiste une partie, tout révèle l’ancienneté de ce modeste édifice. Le chœur, élevé de plusieurs pieds au-dessus du sol de l’église, communique à la nef par une double rampe de petits escaliers. Quelques degrés conduisent à la crypte, accompagnée de deux caveaux, qui est dédiée à saint Pothin et à ses compagnons.

Au côté nord de l’abside, nous allons ensuite admirer la belle chapelle gothique bâtie dans les dernières années du xve siècle, en honneur de l’Immaculée-Conception (aujourd’hui chapelle de saint Michel}, dont la dévotion est fort ancienne dans l’église d’Ainay, puisque, le jour de la consécration de l’église, le pape Pascal II déposa des reliques sur un autel érigé sous ce vocable. Un beau fenestrage découpe ses lignes harmonieuses dans la haute baie, qui éclaire la voûte à clef pendante, de belles peintures murales, et des niches merveilleusement ciselées, où étaient des statues de prophètes. Sur le socle d’une de ces niches, on voit les armes d’un généreux bienfaiteur de la chapelle, Guichard de Pavie, prieur de Montrottier, infirmier d’Ainay, fils de Simon de Rovedis, dit de Pavie, médecin de Louis XI. L’autel est orné d’un retable très ancien et très riche, excellemment peint et doré, dont le tableau, représentant le Christ et la Vierge, passe pour avoir été une des plus belles peintures de France. Dans cette même chapelle, on remarque, enfin, le beau tombeau mutilé d’Étienne de Villeneuve, membre d’une des familles les plus considérables de Lyon, lequel y est figuré dans le costume du xive siècle.

Au chevet de église et dans le cimetière de l’abbaye, se trouve une troisième chapelle, consacrée à saint Pierre ; on en fait remonter la fondation à Aurélien, abbé d’Ainay, vers le milieu du ixe siècle. L’arcature du chœur est décorée de six colonnettes, quatre jumelées, et toutes ornées de chapiteaux légèrement sculptés. — Plus au nord et parallèlement à la chapelle de l’immaculée-Conception, une quatrième chapelle et un bâtiment contigu seront affectés aux Pénitents de Saint Charles, avant que cette confrérie aille occuper, en 1731, près du rempart du Rhône, l’emplacement de l’ancienne recluserie de Sainte-Hélène.

Ce coin de terre, au confluent des deux fleuves, où le pieux solitaire Badulphe vint fonder le premier oratoire, berceau de l’antique abbaye, a subi au cours des âges d’innombrables vicissitudes. Saccagé à chaque invasion des barbares, au xiiie siècle par les Sarrazins, qui détruisirent ses églises, ses murailles et tout ce qui restait d’édifices romains, au xe siècle par les Hongrois, le monastère d’Ainay se releva chaque fois de ses ruines et, chaque fois, reparut plus riche et plus prospère ; car c’étaient de puissants seigneurs que ces abbés d’Ainay, hauts justiciers, qui faisaient garder par leurs gens d’armes le cloitre et les rives de la presqu’ile, qui possédaient tous les terrains compris depuis le confluent jusqu’au-dessus du pont du Rhône, et étendaient leur juridiction sur un nombre considérable de localités. — Depuis le xiie siècle jusqu’à la fin du xive, l’église d’Ainay, dans toute la splendeur de sa jeunesse, voyait se dérouler sous ses arceaux les magnifiques processions de la fête des Merveilles, qui se célébrait au mois de juin. Tout le clergé de Lyon s’y faisait transporter en bateau depuis le faubourg de Vaise, abordait en face de la basilique, traversait processionnellement la nef, et allait, dans le chœur, baiser la pierre, posée sur un pilier, qui, suivant la tradition, aurait servi d’oreiller à saint Pothin pendant les deux jours qu’il avait passés dans la prison où il expira. — En 1562, pendant l’occupation protestante, l’abbaye subissait encore