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le lyon de nos pères

de faire cesser ce scandale que d’acheter le cabaret, Les religieuses habiteront ce monastère jusqu’à la Révolution. Par une étrange destinée, ce lieu, qui a déjà subi tant de vicissitudes, servira, dans la première moitié du xixe siècle, à l’installation d’une fonderie de canons et du nouvel Arsenal.

Au levant de la place Sainte-Claire, s’ouvre le portail voté du claustral d’Ainay, attenant à la maison de la Trésorerie et flanqué d’une grosse tour carrée. La riche abbaye, qui possédait autrefois toute la presqu’ile jusqu’à la place Confort, occupe encore tout l’espace compris entre le rempart, au midi, la rue Sainte-Hélène, au nord, l’enclos des Jésuites, à l’est — (côté oriental de la future rue d’Auvergne) — enfin, à l’ouest, la rue Sainte-Claire, seule voie directe conduisant du confluent vers Bellecour.

De la porte du claustral, une rue intérieure, bordée de murs et de divers corps de logis, nous amène droit à la place de l’église (place d’Ainay), au milieu de laquelle est plantée une croix.

La vieille basilique, dédiée à Saint-Martin, dresse devant nous la tour massive de son clocher qui s’avance en une vigoureuse saillie au-devant de la façade. On distingue, dans le bas, les gros blocs grossièrement façonnés, du temps de la reine Brunehaut, qui, à la fin du vie siècle, combla l’abbaye de ses bienfaits ; plus haut, la construction du xie siècle, avec ses trois rangs d’admirables fenêtres à plein cintre, chacun d’un dessin différent ; enfin, au-dessus du troisième étage, sous une parure séculaire de mousse et de végétations pittoresques, la pyramide flanquée de cornes tumulaires, datant des premières années du xiie siècle. En arrière, se dessine la robuste tour romane, à doubles baies ajourées et à toiture basse, qui domine la coupole ; et, reliant les deux tours, le large vaisseau de l’église, percé d’un triple plan de fenêtres et recouvert d’un toit aplati. Par l’ampleur de ses lignes et la beauté de ses proportions, l’extérieur de l’édifice donne une impression de force et de calme grandeur. — Au-dessus de la porte ogivale, ajoutée vers la fin du xiie siècle, est encastré un petit bas-relief antique, en marbre, représentant les trois figures assises des Mères Augustes, celle du milieu portant trois pommes et une corne d’abondance, les deux autres tenant aussi des pommes sur leurs genoux (actuellement au musée de sculpture) ; en parcourant l’église et le cloître, il serait aisé de découvrir d’autres vestiges de ces monuments romains que recèle encore à foison le sol de l’ancienne « ile d’Ainay », autrefois habitée par les riches marchands de vins d’Italie et de Narbonnaise. — Traversant le porche, dont l’élégante architecture arrête un instant nos regards, nous pénétrons sous la nef. Dans un demi-jour recueilli, le plein-cintre des arceaux déploie largement ses lignes simples et sévères, qui semblent comme adoucies par l’exquise ornementation des chapiteaux corinthiens surmontant les piliers cylindriques, celle des frises, des pilastres de l’abside, sculptés dans un art d’une suprême noblesse. — Comme nous approchons du chœur, les moines, en robes noires recouvertes de la froche de soie noire, quittent les belles stalles de chêne où ils viennent de réciter leur office, et se dirigent vers la petite porte latérale qui communique, au nord, dans le cloitre. — Nous sommes maintenant sous la majestueuse coupole, soutenue par les quatre énormes fûts de granit sur lesquels s’élevaient les Victoires ailées de l’autel de Rome et d’Auguste, dont l’emplacement, au flanc de la colline Saint Sébastien, appartenait aux moines d’Ainay quand ils bâtirent cette église. Le sanctuaire est pavé de riches mosaïques, fort endommagées par l’usure du temps ; il était, au dire