Page:Le Lyon de nos pères - Emmanuel Vingtrinier.pdf/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
le lyon de nos pères

En nous retournant vers le nord, par-dessus le solide rempart sans créneaux, qui se développe en ligne brisée, avec des échauguettes aux angles saillants, nous voyons se dresser le clocher pyramidal de l’église d’Ainay, entourée des bâtiments de l’abbaye. A droite, s’étendent, jusqu’au pont du Rhône, de lourdes masses de verdure : c'est une double rangée de tilleuls plantés sur le cours des remparts, qui fut commencé par M. d’Halincourt, sous la régence de Marie de Médicis, et qui est aujourd’hui complètement achevé,

Celle terrasse forme une délicieuse promenade ; de là, le regard embrasse, d’une part la plaine dauphinoise et les capricieux détours du fleuve, dont les eaux, s’égarant au milieu des iles, miroitent parmi les bouquets d’arbres ; d’autre part, les coteaux, couverts de vignobles, de Saint-Irénée, de Sainte-Foy et d’Oullins. De là encore, on voit monter en longue file les trains de bateaux, halés sur le chemin des Étroits par de superbes chevaux accouplés. — Les beaux ombrages que l’on aperçoit en arrière du rempart font partie des jardins de l’abbaye d’Ainay. À gauche, tout au bord de la Saône, voilà le bâtiment des chaines, correspondant à la tour de Saint-George et contigu à la porte d’Ainay. Celle-ci, appelée aussi porte de Neufville, du nom du gouverneur Charles de Neufville de Villeroy, seigneur d’Halincourt, qui l'a fait bâtir en 1611, montre sa lourde construction carrée, précédée d’un fossé et d’un pont-levis, ornée d’écussons et d’inscriptions commémoratives, et sur montée d’un clocheton de bois. Au-dessus, on voit pointer l’élégante flèche du monastère de Sainte Claire ; plus loin, on distingue le clocher de l’église Saint-Michel et la tour de Arsenal.

C’est par la porte d’Ainay que nous rentrons dans la ville. Après l’avoir franchie, nous nous trouvons sur une place, autrefois plantée d’ormes, qui a reçu du couvent voisin son nom actuel de place Sainte-Claire. À gauche, la berge, encombrée de bateaux et de matériaux de toutes sortes, descend en pente vers la Saône. Au nord, cette galerie et ce jardin, donnant sur la rivière, appartiennent au monastère des Clarisses, construit, en 1616, par le président Balthazar de Villars. L’église contiguë, à droite, est bâtie sur les fondations inébranlables de quelque édifice romain et couvre en partie l’emplacement du superbe Jeu de Paume, orné de deux croissants d’argent, que la ville avait élevé, en 1548, sur une grange et un verger dépendant de abbaye d’Ainay, pour les plaisirs du roi Henri II, qui vint à cette époque loger au palais abbatial, visita le Jeu de Paume le 26 septembre et s’y exerça durant plusieurs jours. La façade de cette église est très simple, avec sa porte à fronton triangulaire flanquée de deux fenêtres à plein cintre. Les bienfaiteurs du monastère, Balthazar de Villars et sa femme, Louise de Langes, dont les armes sont sculptées au-dessus de cette porte, ont leurs tombeaux dans une chapelle à droite, où l’illustre couple est représenté à genoux, sur une peinture qui en occupe le fond. On remarque, en outre, au grand autel, un beau tableau du peintre Perrier, Notre-Dame, sainte Claire et saint François.

Entre la Saône et la rue Sainte-Claire, s’étendent, au nord, le cloître des religieuses avec ses galeries entourant un parterre, les dépendances, et, plus loin, un jardin potager. Les Clarisses occupent ces bâtiments depuis le 7 septembre 1617. Elles y vivraient heureuses, sous la conduite de leur supérieure qui prend le titre d’abbesse et porte la crosse de bois, si, même en cet endroit retiré, elles n’avaient un pénible voisinage : c’est un cabaret, où pend l’enseigne de Saint Louis et qui est enclavé dans leur jardin, tout près du cloître ; les saintes filles se plaignent qu’il s’y commette « des excès, des desbauches et des offenses à Dieu journellement », et elles n’auront d’autre moyen