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le lyon de nos pères

fut la demeure de l’un des premiers Bellièvre établis à Lyon (auberge du Bœuf Couronné) ; au fond de la cour et au-dessus de l’élégante porte gothique de la tour d’escalier, est gravé un écusson aux armes de eette famille.

Nous arrivons à l’église. On y accède par un perron assez élevé, soutenu par des pierres de monuments romains. Bâtie sur les tombeaux de saint Epipoy et de saint Alexandre, martyrisés sous l’empire de Marc-Aurèle, cette église fut aussi détruite par les protestants ; on en retrouve des débris dans le cimetière : voici une colonne de jaspe portant une inscription latine ; en voilà une autre, de grande dimension, couverte de caractères antiques : plus loin, c’est un cippe funéraire qui avait servi de support à un bénitier. Reconstruire en 1584 par le prieur Grollier et le Chapitre, la nouvelle église est beaucoup moins grande que l’ancienne. Le chœur a la forme d’une tour ronde. Autour de l’autel qui en occupe le fond, une inscription en vers latins rappelle le martyre de saint Irénée et de ses compagnons : « En entrant dans ces lieux sacrés, frappez votre poitrine, demandez pardon en gémissant, mêlez vos larmes à vos prières. Ici reposent les compagnons du pontife Irénée, que, par le martyre, cet illustre chef a conduits au ciel… » Un pavé en mosaïque, aujourd’hui presque entièrement usé, retraçait les diverses sciences enseignées dans les écoles épiscopales du moyen âge et représentait des professeurs, dans le costume du temps, debout sous les arcades d’un cloitre. Ce sanctuaire possède une partie du chef de saint Irénée, enchâssé dans un grand reliquaire, que l’on expose à la vénération des fidèles pendant le temps pascal et à la fête du saint.

Après l’église haute, on nous fait visiter la crypte ; nous y pénétrons par un escalier et un couloir où se

trouvent deux tombeaux contenant des reliques de saints. Rien d’impressionnant comme cette église souterraine, délabrée, humide, à peine éclairée par d’étroites ouvertures, et paraissant plus grande encore dans sa nudité. Trois vieux autels sans ornements ; sur le sol, des débris de mosaïque ; un puits fermé par un simple couvercle de bois, où ont été, dit-on, recueillis les ossements des compagnons de saint Irénée : c’est tout. Telle qu’elle est, cette vénérable crypte a résisté au poids des ruines de l’église supérieure, quoique les démolisseurs aient brisé ses piliers. — Avant sa dévastation, il y avait dans cette église une ancienne confrérie, dite des Dix-neuf mille Martyrs ; le cardinal-archevêque de Richelieu vient de la rétablir, à l’instigation du chamarier Guérin ; une chapelle lui sera plus tard consacrée.

En remontant sur la terrasse, nous nous arrêtons au chevet de l’église, à l’endroit où s’élevait jadis la chapelle de Saint-Antoine, brûlée par les calvinistes, et où, à la fin du siècle, on dressera un premier calvaire. De là, nous apercevons la plus grande partie de la ville, le confluent du Rhône et de la Saône, l’immense plaine du Dauphiné et, à l’horizon, suivant l’expression d’un voyageur, « les affreuzes montagnes couvertes de neige, qui la terminent à plus de seize grandes lieues de là ».