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le lyon de nos pères

cours et jardins, un immense réfectoire, des caves, des greniers, la salle d’étude des enfants de chœur, le logis du tire-corde, des prisons, des prétoires pour la justice des chanoines et la prévôté ; vingt-huit petites maisons avec cours intérieures, servant au logement des chanoines, perpétuels et chapelains ; enfin, dominant, au sud-est, les remparts et la pente abrupte du coteau, la superbe basilique, non moins célèbre par sa magnificence que par ses nombreuses reliques de saints évêques et de martyrs (voir le dessin, p. 85).

Le grand portail de cette église s’ouvrait au couchant ; il était décor de six colonnes et de quatre statues de marbre « à l’antique », datant du XIe siècle.

Deux grandes tours servant de clochers, et contenant huit cloches, flanquaient la façade et étaient reliées entre elles par une riche galerie voutée, ornée de colonnes. Cette partie de l’édifice, appartenant à l’architecture ogivale, avait été bâtie au milieu du XIIIe siècle, après les libéralités du pape Innocent IV, ainsi que cinq petits portails, et deux tours inachevées qui s’élevaient de chaque côté de l’abside. Le vaisseau de la basilique, large de huit toises, possédait trois nefs de vingt-trois toises de long. Rien ne surpassait la richesse de la décoration intérieure : le chœur renfermait quatre-vingt-dix stalles de chêne sculpté, dont les dossiers étaient ornés de bas-reliefs dorés représentant des scènes de l’Écriture sainte. Derrière le grand autel, se dressait, supportée par quatre piliers en marbre de dix pieds de haut, la châsse d’albâtre où reposait le corps de saint Just. Au pourtour de l’église régnaient vingt-quatre chapelles, quelques-unes enrichies de peintures, et la plupart avec des autels de marbre. Le reposoir du Saint-Sacrement, fermant « à gros treillis de fer », était tout décoré de personnages. Dans la crypte, il y avait aussi un autel de marbre, en forme de bachasse, « fait à personnages » et long de six pieds. — Le cimetière, où était une petite église dédiée à saint Nicolas, contenait de superbes tombeaux à piliers de marbre ; dans l’un d’eux avait été inhumé ce duc de Bretagne qui avait trouvé la mort au Gourguillon, sous l’écroulement d’une muraille.

De tous ces édifices, de toutes ces richesses, il ne reste plus rien. Les pans de murs laissés debout par les démolisseurs furent à leur tour rasés par les catholiques, dans la crainte qu’ils ne protégeassent une attaque des protestants du dehors. Tout a été détruit de fond en comble, et les chanoines de Saint-Just n’exagèrent point en rappelant, à propos de ces ravages, les vers de Virgile sur la ruine de Troie.