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mot n’est pas français. Pourtant les négociants n’appellent pas brouillon, mais brouillard le livre sur lequel ils enregistrent leurs opérations au fur et à mesure de leur accomplissement. Le brouillard est à la comptabilité exactement ce que notre brouillard est à nos lettres.

Hypothéqué sur les brouillards du Rhône. — Ne se dit pas d’une garantie bien sûre. Mais pourquoi dit-on toujours les brouillards du Rhône, et jamais les brouillards de la Saône

Ce mot, au sens de brouillon, se retrouve dans Clément Marot et dans une lettre de Montaigne.

BROUILLE. — Brouille de canailles ne dure pas. C’est ce que me disait ma mère, quand j’étais brouillé avec le chat.

BROUILLÉ. — Lait brouillé. Se dit du lait qui a tourné. Une partie se change en eau, l’autre en séré. C’est bien triste, allez, le matin, quand votre poche-grasse vous vient dire : M’sieu, le lait qu’a brouillé ! Aussi, chez nous, avait-on le biais de faire bouillir le lait la veille. Quoique ça, des fois, les orages le faisaient brouiller. Et dire que l’Académie des Sciences n’a pas même éclairci cette question : « Pourquoi les orages font-ils brouiller le lait ? »

BROYOU, s. m., terme de construction. — Sorte de pelle arrondie et recourbée, emmanchée au bout d’un long bâton, et qui sert aux boutioux à corroyer le mortier. À Paris, on le nomme rabot. — C’est la forme lyonnaise de broyeur.

BRÛLE-BOUT, BRÛLE-TOUT, s. m. — Binet (voy. ce mot).

BRÛLER. — Brûler le c… à quelqu’un. Trope vulgaire, mais vif, pour indiquer qu’on l’a dépassé à la marche. Probablement de l’idée de frôler, qui développe de la chaleur : brûler le pavé, brûler une station.

Brûler une carte, La mettre sous le talon, la supprimer, quand, par exemple, elle a été vue par accident. Ici brûler est pris au sens d’anéantir.

Trois petits pâtés, ma chemise brûle. Spirituelle pénitence dans les jeux de société. Elle consiste à crier de toutes ses forces, par la fenêtre : « Trois petits pâtés, ms chemise brûle ! » Je n’ai jamais pu bien comprendre l’association d’idées entre la chemise et les petits pâtés. La pénitence qui consiste à embrasser une demoiselle est mieux de comprendre.

Brûler, v. n. — Aux jeux de société, se rapprocher d’un objet ou d’un mot cherché. Comparaison de l’objet cherché avec le feu qui brûle quand on s’en approche.

BRÛLOT, s. m. — Écervelé, qui fait des folies. Il est gentil, mais trop brûlot.

Le mot ne vient pas de brûlot, terme de marine, mais de brulot ou bruleau qui, en patois lyonnais, signifie four à chaux. Comp. à Lyon fourachaux, qui se dit aussi d’un garçon écervelé.

BRUSQUER. — Il ne faut pas brusquer la vaisselle. C’est comme les femmes, il vaut mieux la prendre par la douceur.

BRUTAL (LE). — Le canon. Lo brutal va petó, dit Roquille dans Breyou.

BÛCHE. — Une bûche de paille, Une bûche de balai. Un brin de paille, Un brin de jonc. — Dérivat. de sens. Comp. bûchette. « Anciennement le mot bûche signifiait brin de paille », dit Grangier. Je n’en crois rien.

BÛCHER, v. n. — 1. Travailler avec énergie. Bûcher comme un sourd ; Travailler comme un nègre. On ne dirait pas travailler comme un sourd ni bûcher comme un nègre. — De bûche. Bûcher, Faire un travail de bûcheron.

2. Terme de taille de pierre, Enlever au têtu la partie trop saillante d’un bloc de pierre ou d’une maçonnerie.

3. Terme de charpenterie, Enlever à l’herminette la partie trop saillante d’une pièce de bois.

Se bûcher. Se battre à l’épée de Couzon.

BÛCLER, v. a. — Parlant par respect, Brûler le poil d’un cayon. Beaucoup de personnes disent à quelqu’un qui a brûlé sa barbe, qu’il s’est bûclé, mais la figure est malhonnête.

Bûcler les cordons, terme de canuserie, Passer rapidement un morceau de papier enflammé sous les cordons pour brûler les fils qui dépassent. S’il fallait en croire Villon, déjà, au temps de Job, on aurait bûclé les cordons :

Mez jours s’en sont allez errant
Comme, dit Job, d’une touaille
Sont les filetz, quant tisserant
Tient en son poing ardente paille :
Lors, s’il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.