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BESSON, ONNE, s. — Jumeau, elle. Il est à l’Académie, mais si oublié, que lorsqu’on le prononce devant des messieurs ou des dames, voire des demoiselles, ils ou elles ouvrent des yeux comme des pains de six livres. Molard le proscrivait, il y a près d’un siècle, sans doute parce que l’Académie ajoutait : « Il est vieux. » Il se prend quelquefois au fig.

Ces deux mollets coussinets,
Ces deux mignons bessonnets,
Qui s’esmouvent sur la poitrine
Dema bergerette poupine,

dit un vieux poète lyonnais.

BESSONNÉE, s. f. — Couche de deux jumeaux. Oui, mais comment dire lorsque, comme pour l’excellent Louis Lacuria, le peintre, il y en a trois ? Nous le connaissions. Aussi, quand il se maria, prédimes-nous qu’il ne ferait rien comme les autres. Il n’y faillit pas. Sa femme, du coup, fit une trissonnée de filles qui, malheureusement, ne vécurent pas.

BESSONNER, v. n. — Accoucher de deux jumeaux.

BESTIASSE, s. f. — Grande bête. Très usité. Quelle bestiasse que ce suffrage universel ! — C’est le bestiaccia italien importé sans doute au xve-xvie siècle.

BÊTARD, s m. — Forte bête. Une jeune mariée me disait de son mari : Il est bien gentil, mais un peu bêtard, il demande toujours au lieu de prendre. — De bête, plus le suffixe aggravant ard.

BÉTATOURET, s. m. — Foret pour percer les tonneaux. Vieilli. Du vieux lyonn. beta (?) mettre, et touret (?), cheville.

BÊTE. — Bête comme tout. Cette expression est bête elle-même, car au fond elle ne signifie rien. Elle est cependant très répandue. Chose assez singulière, les Anglais en ont le pendant dans It sticks as any thing, cela colle comme quoi que ce soit.

Vous n’êtes rien la moitié d’une bête ! Compliment à double détente que l’on fait à quelqu’un qui vient de faire preuve d’esprit ou d’ingéniosité.

Il ne m’a pas seulement dit : Bête que veux-tu ? Il n’a pas dit mot.

BÊTISER, v. n. — Dire ou faire des bêtises, dire des sornettes. Mameselle Gladie, je vous n’aime comme les mirons n’aiment la melette. — Allons, grand gognant, bêtise don pas !

BEURRE. — Beurre de pojaud. Beurre très rance, très mauvais. Ce beurre a le goût de pojaud.

Crasse de beurre, Résidu noirâtre et fortement salé qui reste au fond de la marmite où l’on a fait fondre le beurre. On en fait des rôties délicieuses.

Donner du beurre. Expression du jeu de la glissière. C’est, en glissant, pousser ceux qui sont devant, au hasard de les faire tomber. Dans la vie, en politique, en industrie, en art même, toute la question est de donner beaucoup de beurre à ceux qui sont devant. Il y en a pourtant qui préfèrent ni donner du beurre, ni en recevoir. Ce serait mon cas.

Vraisemblablement de ce qu’on met du beurre aux canules pour les faire mieux glisser.

Mettre du beurre dans la soupe avec un fusil. Il ne s’agit pas d’un Lefaucheux. C’est, au propre, piquer dans la mollette de beurre cette lame d’acier, ronde et effilée, qui sert à aiguiser les couteaux, puis tremper le fusil dans le bouillon pour graisser la soupe. Métaphoriquement, c’est ne pas jeter les épaules de mouton par la fenêtre. On dit aussi mettre du beurre avec une alène. Mais ceux qui le font sont des avares ; l’alène étant beaucoup plus mince que le fusil, il y a tout à fait trop peu de beurre.

Avoir des mains de beurre. Se dit de ceux qui laissent échapper ce qu’ils tiennent, les mains graissées de beurre étant glissantes.

Beurre des oreilles, Cérumen.

BEZOTTER, v. n. — Se dit de ceux qui, lorsqu’ils parlent, font bz, bz, en vous envoyant des postillons par la figure. — Gracieuse onomatopée.

BEZOTTEUR, EUSE, s. — Un ou une qui bezotte.

BIBON, s.m. — Terme préjoratif pour vieillard. On dit ordinairement un vieux bibon. — Répond à l’argot birbe, lui-même en rapport avec ital. birbante, brigand ; vieux franç. birban ; esp. birbon ; vieux angl. bribour, un vagabond. La dérivation du sens tient à l’emploi habituel du mot avec vieux : un vagabond, un vieux vagabond, puis un vieux tout court, au sens péjoratif.