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RAISON. — Se faire une raison, Se résigner. Il faut se faire une raison, dit-on à ceux qui ont éprouvé quelque grand malheur, pour dire que les plaintes et la révolte ne peuvent rien contre le mal advenu.

Rendre raison à quelqu’un. — 1. Lui faire une réponse. Je ne sais s’il pourra venir, je vous rendrai raison demain. — 2. Rendre comple. Je vous rendrai raison de l’argent que j’ai reçu.

Dire sa raison, en parlant d’un mami qui ne parle pas encore et qui émet des sons confus en s’adressant aux personnes qui le cajolent. (M. D.)

RAISONNABLE, adj. des 2 g. — Se dit d’une chose de moyenne grosseur, d’une grosseur raisonnable. Nous aimions beaucoup à Sainte-Foy notre boucher Maugé parce qu’il ne tuait jamais que des veaux raisonnables, et non pas de ces veaux si tendres, autant de mourve. — « Naidiu, je ne moque pas… dit un boucher de la Boucherie de l’Hôpital dans Lyon en vers burlesques, — J’ai demeura tot lo matin, — Den lo marchi, per lo certain, — Sen trouva un cayon raisonnablo. »

Feu mon maître d’apprentissage, le philosophe, avait pour maxime qu’il est plus facile de trouver un veau raisonnable qu’une femme raisonnable.

RAISONNER, v. n. — Répliquer, contredire, faire des observations, en parlant à un supérieur. Ne t’avise pas rien de raisonner ! — Une dérivation analogue s’est produite en allemand. Raisonniren, qui signifiait primitivement raisonner au sens de porter des jugements, s’entend aujourd’hui au sens de quereller, de parler à tort et à travers.

Raisonner, v. a. — Raisonner quelqu’un, Le faire raisonner, tâcher de l’amener à une sage détermination. Il vaut souvent mieux raisonner un enfant que de le fecer. Voyez arraisonner, qui est une forme préférable, soit parce qu’elle est archaïque, soit parce qu’elle différencie le mot.

RAISONS. — Avoir des raisons avec quelqu’un, Avoir une querelle, échanger des injures. Mme  Grossang et Mlle  Lachauffe ont eu des raisons par rapport à M. Grossang, qu’elles ont fini par s’empoigner par la chavasse.

Mauvaises raisons, La même chose que Raisons. C’est une erreur cependant de croire que les injures soient toujours de mauvaises raisons. Nous voyons tous les jours par la presse et par les élections que les mauvaises raisons sont de très bonnes raisons.

Chercher des raisons à quelqu’un, Lui chercher querelle.

RAJOUTER, v. a. — Ajouter. M. Raisinard, le confiseur, qui avait fait des Pensées pour faire suite aux Caractères de la Bruyère, me disait : J’en rajoute tous les soirs, quand nous ons fermé.

RAMAGE, s. f. — Bruit, lapage. Je sons t’allé à la Chambre, donc que mon député m’avait porté une carte chez moi par politesse. Je ne sais pas quel ramage i font là-dedans ! — Dérivation de sens très originale du ramage des oiseaux.

RAMAGER, v. n. — Faire du bruit, surtout en criant. C’te merdaille d’enfants ne font que ramager du matin au soir !

RAMAILLE, s. f. — Ramassis, canaille. — Fait sur ramas, avec le suffixe péjoratif aille. Tous les noms en aille : canaille, merdaille, rafataille, quincaille, etc., n’ont rien de bien laudatif.

RAMAMIAUX, s. m. pl. — Criailleries, gronderies. — Semble formé, par analogie avec ramage, de ram et d’une seconde partie miaux, exprimant le miaulement du chat.

RAMASSE, s. f. — Espèce de tout petit traineau grossier sur lequel on s’accroupit, et que quelqu’un pousse pour glisser sur la glace ; plus usité encore par les enfants pour descendre nos anciennes routes à pente roide. — Subst. verbal de se ramasser, soit parce qu’on s’y tient accroupi, soit parce qu’on y culbute souvent.

RAMASSER, v. a. et n. — 1. Se faire ramasser, Glisser sur les montagnes russes ou françaises, divertissement qui fit fureur de 1820 à 1830. L’expression a persisté longtemps après la disparition des montagnes. — De ramasse, lraincau.

2. Se faire attraper, recevoir un abattage.

Mon doigt ramasse. Se dit lorsque, dans un tournis ou tout autre mal de ce genre, le pus s’amasse dans la partic malade. On dirait de même : Mon doigt ramasse de borme. L’expression