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avec les fils de la trame. En ce sens, le taffetas est une armure, le satin en est une autre.

2. Spécialement se dit au contraire d’une étoffe qui a un autre mode de croisement que le taffetas et le satin, par exemple d’un sergé. Que fais-tu en ce moment ? Du taffetas ? — Non, c’est une armure. On les fabrique maintenant avec de petites mécaniques. — Ital. armadura, armure. Le croisement des fils a été comparé à celui des mailles de l’haubergeon.

ARPAILLETTE, s. f. terme de batellerie. — Sorte de petit aviron qui peut servir soit de petit arpi, soit pour gouverner un barquot, soit même au besoin pour pagayer. Il se termine en façon de palette, avec deux pointes de fer au bout. — D’harpailler, fréquentatif de harper, saisir.

ARPAN, s. f. — Mesure de longueur que les gones, lorsqu’ils jouent aux gobilles, prennent du bout du pouce à l’extrémité du médius, en étendant la main le plus possible. — De palmum, qui a donné le provenç. pan. La première partie du mot (ar) a sans doute été rapportée sous l’influence du franç. arpent.

ARPE, s. f. — Griffe. L’arpe du chat est bien mauvaise, disait mon maitre d’apprentissage, mais l’arpe de la femme est encore plus mauvaise. — Vieux prov. arpa.

ARPI, s. m. terme de batellerie. — Croc avec pointe emmanché d’un long bâton. Le marinier s’en sert tour à tour pour repousser le bateau loin du bord ou pour l’y attirer. — D’arpe, avec suff. patois i, répondant au franç. ier. Dans l’Hist. de N.-D. de Bonnes-Nouvelles, on lit : « Se voüa, elle et son mary, à N.-D. et aussitôt, au premier coup d’arpic, furent tirés. » L’auteur a pourvu arpi d’un c final, parce qu’il a vu dans le mot l’idée de piquer, arpicque, arpic.

ARPION, s. m. — Ergot, griffe. Se dresser sur ses arpions, Se lever, et aussi se mettre en mesure de combattre, comme le coq. — Dérivé d’arpe.

ARQUEBUSE. — L’eau d’arquebuse de la Déserte était jadis célèbre pour les chutes, les contusions, les maux de tête, apoplexies, etc., etc. Il y en avait dans toutes les maisons. Assez agréable au goût, elle devait contenir, avec de l’arnica, quantité d’ingrédients. Elle se préparait à l’abbaye royale des Bénédictins de la Déserte, qui occupait l’emplacement actuel du Jardin des Plantes et de la place Sathonay. Dans mon enfance, on disait toujours aller à la Déserte pour « aller à la place Sathonay ». Ma grand’mère maternelle avait été l’amie de la dernière abbesse, Mme de Montjouvent, qui après la Révolution, réduite à une grande gêne, lui vendit un très beau reliquaire du xviie siècle, que nous possédons encore et qui contient une quantité extraordinaire de reliques. Mme de Montjouvent, restée d’humeur fort gaie, en dépit de l’adversité, s’était retirée dans un humble logement, avec sa fidèle Julie, sa femme de chambre au temps de l’abbaye, et son perroquet. Ce perroquet avait été élevé dans les grandes traditions. Quand Mme de Montjouvent entrait, il scandait lentement, avec des inflexions de théâtre, un : « Bon-jour, Ma-da-me l’Ab-besse ! » Quand c’était Julie, il n’y mettait pas tant de façons, et se bornait à lui dire d’un ton bref : « Julie, baise mon c.. ! »

La recette de l’eau d’arquebuse était, dans mon enfance, conservée par les dames Garcin, deux vieilles, qui avaient été au couvent. À leur mort elles Ia léguèrent à la fabrique de Saint-Louis (aujourd’hui Saint-Vincent), qui, à son tour, l’a cédée à un pharmacien de la place de la Miséricorde.

ARQUEDUCS, s. m. pl. (Quelques-uns disent archiducs, mais c’est une faute.) — Aqueducs. — Les Lyonnais ont vu dans arqueducs un dérivé d’arcs, nom sous lequel on désigne aussi les aqueducs. À Saint-Irénée, il y a le chemin des Arcs, ainsi nommé parce qu’il y avait d’anciens aqueducs.

ARQUET, s. m. t. de canuserie. — Pelit ressort qui est fixé à la pointizelle (voy. ce mot). La pression de l’arquet a pour but d’empêcher la canette de se dérouler trop vite, et par conséquent de maintenir une certaine tension à la trame. « Mon cœur gassait comme une canette dont l’arquet de la pointizelle est trop mince. » (Réponse de la satinaire, 1795). — Diminutif d’arc.

ARRACHURE, s. f. terme de canuserie. — Lorsque, en pincetant sa façure, un canut

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