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NUIT. — Ce qui se fait de nuit paraît de jour. C’est-à-dire que la pauvre fille a beau mettre au levain en cachette, la pâte finit par lever aux yeux de tout le monde.

Le bon Humbert cite le proverbe, La nuit tous les chats sont gris, et se fâche contre ceux qui ne citent pas exactement l’Académie : La nuit tous chats sont gris. Et il ajoute gravement : « Avant de faire usage d’un proverbe quelconque, ayez soin de le connaitre parfaitement. » Quel enfantillage !


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OBLIGEANCE. — Ayez l’obligeance de me prêter un parapluie. Humbert a raison de dire que cette phrase est incorrecte, l’obligeance étant un penchant à obliger et non un acte. Mais obligeance, en ce dernier sens, a tellement passé en usage qu’Humbert ajoute avec sa bonhomie et sa sincérité habituelles : « Remarque un peu délicate et subtile. » — On ne peut, en effet, se révolter indéfiniment contre l’usage, et Littré le constate en ajoutant au sens classique d’obligeance : « 2. Abusivement, Acte d’obligeance. »

OBSERVATION. — Humbert en fait une inexacte, lorsqu’il trouve incorrecte cette phrase : Je vous ferai une observation. Littré remarque fort bien : « On dit couramment : « Je vous soumettrai une observation. » Dès lors il serait vétilleux de repousser : « Je vous ferai une observation. »

OCCASION. — Molard et Humbert s’entendent pour repousser : Avez-vous occasion de cette marchandise ? Il faut dire : Avez-vous besoin ? — Grammaticalement ils ont raison ; mais les deux sens ne sont pas les mêmes, Occasion s’entend ici d’un besoin occasionnel, et c’est ce qui explique son emploi. En tous cas, on dira très bien : Une commode d’occasion, Une femme d’occasion.

ODEUR. — Odeur de peuple souverain. Montez aux quatrièmes des Célestins, un dimanche, au milieu de la représentation d’un drame, vous saurez ce que c’est. Non, vous ne le saurez pas suffisamment ! il eût fallu y aller au temps du parterre debout et alors que la salle n’était point ventilée. Vous pouvez en avoir encore quelque idée dans les belles réunions publiques.

ŒIL. — Dent de l’œil. Voy. dent.

Avoir un œil au beurre noir, Avoir un œil noirci. « Ta femme, qu’en fais-tu ? elle a l’œil au beurr’ noir », dit l’auteur du Songe de Guignol. La métaphore est ancienne, car on lit dans Dassoucy : « Cet homme… avec une mâchoire enfoncée, et un œil poché au beurre noir. »

Se tirer un œil, Se crever un œil. Mon oncle Jean-Jean ne voulait jamais, la nuit, manger sans chandelle, parce qu’il avait peur de se tirer un œil avec sa fourchette.

Il va à la messe chaque fois qu’il lui tombe un œil. Se dit de quelqu’un qui n’y va pas très souvent.

Être à l’œil, Veiller de près. Cadet, y a Pistolet que va souvent chez ta femme, tâche moyen d’être à l’œil !

ŒILLOIRS, s. m. pl. — Œillères. Le suffixe a été changé parce que oir, oire, est le suffixe ordinaire des objets moyens d’action : araignoir, arrosoir, crachoir, pissoir, ec.

ŒUF. — Je te plein comme un œuf. Spirituelle gandoise que l’on répète à ceux que l’on ne croit pas avoir motif de plaindre beaucoup.

Mieux vaut un œuf en paix qu’un bœuf en guerre. Bien pensé !

ŒUFS. — Elle est toujours aux œufs ou au lait. Se dit d’une femme fréquemment enceinte.