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— Est Flora, la belle Romaine ? » — Ainsi ont fait les grammairiens eux-mêmes lorsqu’ils disent : A-t-on vendu pour a on vendu ? Donc Christine avait raison.

Nous trouvons cette n si douce à l’oreille que nous la mettons parfois où elle n’est pas absolument nécessaire. À Saint-Vincent, une bonne femme priait à la chapelle de saint Roch. Dans sa ferveur, elle s’était mise tout contre le saint. En se relevant, le coin du piédestal accrocha sa robe. Un peu suffoquée, elle s’écria d’un ton de reproche : « Oh ! grand saint, à votre n’âge, vos badinariò ! » Remarquez que cette bonne femme arraisonnait d’une façon fort logique : Puisqu’on dit : mo n’âge, to n’âge, so n’âge, se pensait-elle, on doit dire notre n’âge, votre n’âge, leur n’âge.

APINCHER, v. a. — Épier, guetter, surprendre. En police correctionnelle : L’espicier : J’ai apinché le Miché, que lichait ma castonade.L’appprenti, qu’est un savant, qu’a été aux laïques, et que connaît les sujontifs, d’un ton à la Madier de Montjau : Fallait-i pas que l’épicier s’en mêlasse !L’espicier, furieux : « Qu’est que te dis, sans mélasse ! j’en ai deux pleins caquillons dans mon cavon ! — De ad-spectare, étymologie confirmée par le vieux prov. expinctar.

APLATER, v. a. — Unir, rendre plat. Aplater le linge, manière de laver les draps dans certains hôtels. On les étend sur une grande table, on les asperge, comme les morts d’eau bénite. On étire bien les draps, on les plie et on les aplate au moyen d’une planche qu’on charge de pierres. Le drap est lavé.

APOLOGIE, s. f. — Critique virulente. J’ai rencontré Mme Potinet à la plate. Nous ons parlé de la Rosalie. Je te promets qu’elle a fait son apologie. — Ce n’est point une antiphrase employée par ironie. Nous n’y mettons point des intentions aussi subtiles. C’est une simple erreur de sens, motivée par ce fait qu’apologie est un mot savant que l’on ne comprend point. Dans une apologie, on parle nécessairement de quelqu’un. De parler à en mal parler, il n’y a qu’un pas. Il y a, même en français, des exemples de ce genre d’interversion de sens. Même pour beaucoup de lettrés, parler compendieusement d’une chose, c’est en parler longuement. Au contraire, c’est en parler brièvement. Mais la longueur du mot compendieux a fait croire qu’il s’agissait de quelque chose de long.

APPARER, v. a. — Tendre la main, son tablier, se disposer à recevoir quelque chose qu’on vous jette. La maman, donnant une giffle à la Fine, qui n’a pas été sage : Tiens, appare-moi ça l — D'apparare, préparer, disposer quelque chose pour un certain but.

APPESER, v. a — Appuyer fortement. Quand les amoureux se promenaient la nuit sans électricité dans les fossés de la Croix-Rousse, ils n’appesaient jamais le pied sans précaution. — De ad pensare. En franç., on dit peser sur : deux mots pour un.

APPONDRE, v. a. — 1. Ajouter. Appondre une corde, y ajouter un morceau. Le pauvre monde ont tant de peine à appondre les deux bouts !… Lorsque, en remondant votre longueur, il vous arrive de saigner un fil, vous l’appondez vite à l’aide du roquet de jointe.

2. — Atteindre. La cantinière appondait à la boutonnière du tambour-major. Le nouveau fusil appond à sept cents mètres. Image très exacte, puisque la trajectoire appond les deux points extrêmes. — De ad ponere, comme pondre, de ponere.

APPONDU, UE, partic. d’appondre. — Ils étaient appondus (parlant par respect). — Se dit parfois d’un chien et de sa dame.

APPONSE, s. f. — Ajouture. Les rallonges d’une table sont des apponses. — D’appondre, probablement par analogie avec réponse, de répondre.

APPRENDRE. — Il ou Elle veut apprendre à son père à faire le z’enfants. — Se dit de quelqu’un voulant en remontrer à un autre qui en sait plus long que lui.

APPRENTISSE, s. f. — Apprentie. Le bourgeois (chef d’atelier), le compagnon, l’apprentisse sont en train de diner. L’apprentisse : Bargeois, faites don fini le champagnon, i me pitrogne par dessous la table !Le bourgeois, à voix basse :

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