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fondations, et en hautes fondations sous les piliers isolés. — D’alléger, parce qu’en répartissant le poids, on allège le point qui supportait le fardeau.

2. Terme de vidange. Au jour d’aujourd’hui on cure, parlant par respect, les fosses de jour et de nuit, été et hiver. Jadis les fiacres de Venissieux n’étaient autorisés à charger que du 1er novembre au 1er mai, de 10 heures du soir à 3 heures du matin. Pourtant arrivait-il des fois que les fosses débordaient ; le contenu se répandait dans les caves, dans les puits, dans les cours. Bocon épouvantable par toute la maison. L’argenterie devenait noire, les boiseries peintes à la céruse se plaquaient de traînées grises. Alors on courait à la Cie, qui, vu l’urgence, était autorisée à faire une allège, c’est-à-dire, parlant par respect à enlever suffisamment de clair pour faire de la place jusqu’à l’hiver. Mais comme déjà on falsifiait toutes les denrées, et que la matière n’était quasiment que de l’eau, au lieu de l’emporter à domicile, on la vidait dans le Rhône de dessus le pont. — Et vous savez maintenant ce que c’est qu’une allège !

ALLER. — Aller à l’économie, Ne pas attacher ses chiens avec des saucisses. M. Z…, gros négociant lyonnais, non sans talent sur le violon, était à la fois passionné pour la musique et pour l’économie. Un soir, chez Mme *** où l’on faisait des séances de quatuor, il jouait faux comme Judas. — « Mais Monsieur X…, lui fit Georges Hainl, votre chanterelle est trop basse ! — Sans doute ! reprit-il, mais si je la montais, elle courrait risque de se casser. »

Aller contre les beaux jours, contre l’hiver. Simplification de l’expression « aller à l’encontre de ».

Aller de pied, pour aller à pied (mais on ne dit pas aller de cheval). Analogie avec d’autres locutions telles que aller du pied comme un chat maigre ; n’y aller ni de pied ni d’aile (Montaigne), etc.

Cet homme me va : c’est-à-dire, me botte. Aller du ventre. Point d’explication. Venir du corps. Voy. Aller du ventre.

Je t’allais au devant. Molard a oublié celle-là, si usitée à Lyon. En effet, on ne va pas « au-devant quelqu’un ». Mais la locution est si enracinée que je serais bien étonné si nos académiciens s’en privaient.

Aller au-devant par derrière. Se dit de quelqu’un qui use de moyens détournés.

Aller en champ, Mener paitre les bestiaux..

Aller tout à la douce, Aller tout plan plan, Aller tout doucement, ne pas être malade, mais ne pas être resplendissant de santé. Le dialogue suivant se répète cinq cents fois par jour à la Croix-Rousse et à Saint-Just : C’est toi, ganache ! Comment que te vas ? — C’est donc toi, grande bugne ! ça va ben tout plan plan. — La première locution s’explique toute seule ; la seconde est le piano piano des Italiens.

Où vas-tu ? — Je vas place Sathonay… je vas rue Mercière, pour « à la place Sathonay » ou « en rue Mercière ». Mais on ne le dit pas devant un nom de quartier. On ne dit pas : Je vais Vaise… je vais Perrache. Il faut dire alors : « Je vais en Vaise », et « à Perrache ».

ALLONGER. — Allonger une sauce, Y ajouter de l’eau, du bouillon. Sauce longue, sauce allongée, est-ce français, je n’en sais rien, mais c’est bien pittoresque.

S’allonger, v. pr. — Allonger son chemin. — Te vois don pas que des Terreaux en passant par Vaise pour aller à Perrache, nous nous allongeons ? — Métonymie, comme il en existe tant d’exemples dans le français.

Allonger la demi-aune. Voy. aune.

ALLONS. — Allons, bien pensé ! Locution approbative, que les gens aimables et bienveillants, comme nous sommes fous, nous autres Lyonnais, ne manquent jamais à dire chaque fois qu’on leur fait part de quelque détermination. Le brave et digne P. l’avait constamment à la bouche. Un jour il rencontre un ancien ami qu’il n’avait pas vu depuis longtemps : Qu’è que t’as fait depuis moi, mon pauv’ vieux ? — Je me suis marié. — Allons, bien pensé ! — Oui, mais je suis devenu veuf. — Allons, bien pensé !

ALLURÉ, ÉE, adj. — Se dit de quelqu’un dont on voit bien, à ses yeux, que sa tête n’est pas cuite. L’origine est déluré pour déleurré, qui ne se laisse plus prendre au leurre (piège). Cette origine ayant été perdue de vue, on a rapporté déluré à allure, et l’on a trouvé bien plus logique de dire alluré, comme on dit d’un cheval fringant qu’il a de l’allure.

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