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AIRT, s. m. — Art, science,

C’est la châste Suzanne, habile compagnonne
Du bel airt de la soie.

(La Châste Suzanne.)

Dans la langue moderne art ne s’applique plus guère qu’aux Beaux-Arts. Jadis le mot s’appliquait aux professions manuelles. Aujourd’hui il n’y a que des ouvriers. Jadis il y avait des artisans. Quand il fallait une certaine dose d’intelligence, de discernement, de goût pour l’exercice d’une profession, celle-ci était un art. Quand l’objet est fabriqué, éternellement le même par une machine, ce n’est plus que l’affaire d’un métier, ou plutôt, comme on dit, d’une industrie. — Corruption du franc. art sous l’influence bizarre de air.

AIS À CHAPLU. — Gros plot de bois ou planche épaisse sur laquelle on hache la viande et les herbes. — De chapeler, à Lyon chapler. Chaplu n’existe plus. C’était, en patois de Lyon, un substantif répondant à un français supposé chapeleur.

AISE. — Être mal à son aise, Être un peu fatigué, mal en train, mal fichu. Une des chansons favorites du père Thomas, sur la place Bellecour, était la Belle Bourbonnaise, par lui revue, corrigée et considérablement… embrenée. Je ne m’en rappelle que deux moitiés de couplets :

La Belle Bourbonnaise,
Elle est mal à son aise ;
Elle est dessus la chaise ;
ElI’ ne peut pas caga,
Ah ! ah ! ah ! ah !

Or sus, le médecin qu’on a envoyé quérir, ordonne un remède :

Puis d’une main adroite,
Écartant gauche et droite,
Par une voie étroite,
Le lavement passa,
Ah ! ah ! ah ! ah !

Être à son aise, Être dans l’aisance.

ALEXIS, s. m. — Élixir. Nous avons l’alexis de la Grande-Chartreuse, qui est souverain pour tout ; l’alexis de longue vie, qui assure une longue existence à ceux qui deviennent vieux. « Je li donne d’alexis de longue vi, mais elle a perdu le parlement ; elle rote de fiageôles et se parpe le cropion. » (Ressit des Amours et Calamitances.)

ALINGEN. — Que de fois, quand j’étais tout petit, entre chien et loup, qu’on entendait siffler le vent dans les portes mal jointes de Sainte-Foy, ma mère a eu la bonté de m’amuser en jouant avec moi à alingen (alinjan). Elle prenait une poignée de haricots dans sa main fermée et me disait : Alingen ! À quoi je répondais : Je m’y mets. — Jusqu’à quant (quantum, que je comprenais quando) ? — Jusqu’à six. Elle ouvrait la main ; il y en avait neuf ! J’avais perdu trois haricots. — Et à mon tour de prendre des haricots et de dire Alingen ! etc. — Charbot traduit alingen par « Allons, Jean ! » Et je pense qu’il a raison, car le Dauphiné, d’où nous vient probablement le jeu, traduit « Allons, Jean ! » par Allein, Jan !

ALLÉE. — Allée qui traverse, Allée qui a deux issues. Où est-il le temps où, par quelque grosse radée, je venais de la place de la Comédie chez nous, en rue Belle-Cordière, d’allée qui traverse en allée qui traverse et toujours à la soute. Mais hélas : « Où est la très sage Heloïs ? »

On assure que le bien parler exige allée de traverse. Pourtant, dans « allée qui traverse » il n’y a qu’une de ces métonymies d’effet pour la cause, dont la langue française est si coutumière. Ne dit-on pas, suivant l’Académie, une rue passante, une couleur voyante ? Une rue qui passe, une couleur qui voit, ne sont pas moins rares qu’une allée qui traverse.

Cette expression est si répandue chez nous que Saint-Olive, qui soignait son style, n’a pas manqué à écrire, dans ses Vieux Souvenirs : « Un jour, je me trouvais dans la cour d’une maison qui traverse de la place de la Comédie à la rue Désirée. »

ALLÉE DES MORTS. — C’était une allée assez large, basse et voûtée en nervures du xve siècle, jouxte la façade de Saint-Nizier, au sud. Elle conduisait à un passage découvert, qui communiquait avec la rue de la Fromagerie. On a démoli l’allée et la portion de maison placée au-dessus. Le passage, fermé le soir par une barrière, est partout découvert. On l’appelait allée des morts, parce que les enterrements qui venaient du côté de la Fromagerie y passaient pour entrer par la façade de l’église.

ALLÈGE, s. f. — 1. Terme de construction, Fort bloc de pierre, grossièrement équarri, que l’on place sur le béton en basses

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