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AGROGNER (S’), v. pr. — Se resserrer en s’accroupissant. — De groin. S’agrogner, ramener son groin sur ses genoux, le cacher. — Au fig. se décourager, s’aplatir devant une infortune ou un chagrin. Le pauvre Battanchon a eu tant d’ennui de perdre sa femme qu’il s’est agrogné comme une m…

AGUINCHER, v. a. — Épier, guetter, regarder avec soin et précaution. — Que don que te fais là comm’ n’imb’cile ? — Quaisite don ! J’aguinche la Marion que trie ses puces. — Du vieux haut allemand winchju, cligner de l’œil.

AIDES. — Être à la Cour des aides. Se dit d’une boule qui, demeurée en deçà du but, peut être poussée, aidée, volontairement ou non, par la boule d’un autre joueur. — Jeu de mots. Les Cours des aides étaient des tribunaux chargés de décider en dernier ressort tous procès civils et criminels concernant les impôts appelés aides, gabelles, tailles.

AIGALISSE, ÉGALISSE, s. f. — Réglisse. — Du vieux français ergalisse, dont nous avons fait aigalisse, sous l’idée d’aigue, eau, la réglisse servant à faire la boisson que nous désignons sous le nom de coco.

AIGLEDON, s. m. — Édredon. Se dit uniquement du carré gonflé de plumes qu’on met l’hiver sur son lit, tandis qu’en français on l’entend aussi du duvet lui-même. Lorsque, devant l’excellent père Mésoniat, on disait aigledon, il souriait finement. Trop poli pour vous reprendre en face, il saisissait l’instant d’après l’occasion de vous rectifier en disant négligemment : Il faisait si chaud cette nuit, que j’ai été obligé d’ôter mon aigredon.Allem. eiderdaunen, s. f. pl., de eider, sorte de canard à duvet, et daun, duvet. Le peuple ne sait pas ce que c’est qu’un eider, mais il sait ce que c’est qu’un aigle. Pour lui, l’aigledon est du duvet d’aigle, quoiqu’il sache bien que c’est du duvet d’oie.

AIGRAT, s. m. — Raisin resté vert, vendanges faites, dénommés aussi conscrits. Chez nous on défendait toujours aux billouds de mettre des aigrats dans les benots. — Vieux français aigras, même sens, d’aigre.

AIGRE, adj. — Pierre aigre, pierre cassante, qui saute sous le ciseau : qui à un caractère aigre, quoi !

Faire aigre, Agir à l’extrémité d’un levier pour soulever un fardeau. Une de mes parentes disait de son mari : Il est si tellement agrobé qu’il faut faire aigre avec une barre pour lui lever la tête de dessus sa chaise. — D’acrem, chose pointue, parce que le presson dont on se sert pour faire aigre est pointu.

AIGUE, s. f. — Eau. Vieilli. Mon père avait une petite maison en rue de l’Hôpital. Chaque année il vendait le contenu de la fosse à un gandou, nommé Bordat, qui disait orgueilleusement : « Depuis deux cents ans, les Bordat sont gandous de père en fils ! » On allait ensemble lever le bouchon. Bordat n’entendait pas acheter chat en poche. Il trempait son doigt, qu’il passait sur ses lèvres en faisant hhhupph — tquiou ! (tquiou, c’est pour cracher) : M. Puitspelu, y est que d’aigue ! — Mon père de protester, disant qu’il connaissait trop bien ses locataires pour les croire capables de mettre de l’eau dans la marchandise, comme les laitières. Fin de compte, mon père demandait quatre pistoles. Bordat en offrait deux. On perdait trois quarts d’heure à disputer et l’on faisait pache à trois pistoles. C’était toutes les années le même commerce. — D’aqua.

AIGUE-ARDENT, s. f. — Eau-de-vie. On trouve au xve siècle des mentions d’achat par la ville d’aigue-ardent pour la fabrication de la poudre, dans la confection de laquelle elle entrait. Vieilli, mais encore conservé dans nos campagnes. — D’aquam ardentem.

AIGUILLES, s. f. pl. — 1. Manquablement vous avez vu tirer le vin ? À la maye sont accolés deux montants verticaux entre lesquels glisse le chapeau et la roue avec. Ce sont les aiguilles. Ce nom d’aiguilles se donne souvent en technologie à des pièces verticales.

2. Organes de la Jacquard. C’est une série d’aiguilles placées horizontalement, en nombre égal à celui des crochets (voy. ce mot). Ces aiguilles ont un mouvement de va-et-vient qui permet à celles qui pénètrent dans les trous des cartons de garder suspendus à un chas ou anneau les crochets verticaux, et de tenir levés les fils qui correspondent ; tandis que celles qui sont repoussées par les parties pleines des cartons laissent les crochets libres, et, par conséquent, les fils en repos.

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