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m’estringole à passer la navette pendant que ce pas-rien va courater. — Vieux provençal strangolar, de strangulare.

ESTROPIÉ. — Estropié de cervelle. Se dit de quelqu’un qui n’a pas le cerveau d’un Archimède.

ÉTABLISSEMENT, s. m. — C’est sous ce nom vague que les propriétaires de cafés, brasseries, comptoirs, désignent leurs fonds de commerce. Le mot a quelque chose de plus distingué. À Monaco, un monsieur nous racontait qu’il avait monté dans sa vie dix-huit établissements. Il est vrai qu’il partit le soir sans payer.

ÉTAMPE, s. f. — Étai. — Vieux fran. estape, pieu ; d’origine germanique : anglo-saxon stapel, étai ; suédois stapel, pieu en fondations.

ÉTAMPER, TAMPER, v. a. — Mettre des étampes. Il voudrait étamper le ciel. Se dit de quelqu’un qui a toujours peur de ne pas prendre assez de précautions, jusqu’à vouloir étayer le firmament dans la crainte qu’il ne soit pas bien solide et qu’il ne lui choie dessus.

ÉTATS. — Être dans tous ses états. Un mari sait prou ce que c’est. Quand sa femme est « dans son état », ce n’est pas toujours agréable, mais « dans tous ses états », juge un peu voire !

ÉTÉ. — Se mettre en été, Quitter les habillements d’hiver pour ceux d’été. On dit de même Se mettre en hiver. Mon maître d’apprentissage, qui savait tant de choses, disait qu’il ne fallait jamais s’en rapporter ni aux enjôlements des femmes, ni aux premières chaleurs, et qu’on ne doit pas se mettre en été avant la Saint-Boniface, donc qu’il est le 14 mai.

ÉTEINDU, UE, pour Éteint, éteinte. — Les part. éteindu, prenu, metu, prometu, etc., sont faits par analogie avec les participes de la plupart des verbes en re : cru, crû, paru, repu, entendu, résolu, tordu, etc. C’est promis, mis, éteint qui sont des irrégularités.

ÉTEINTE. — Une éteinte de voix (voy. atteinte). Ce subst. verbal éteinte, conforme aux lois de la saine dérivation, est cent fois préférable à l’affreux barbarisme extinction.

ÉTENDARD, s. m., terme de charpenterie. — Étampe placée horizontalement, le plus souvent entre deux maisons pour retenir le dévers des façades. — De l’analogie avec un étendard que le vent étend horizontalement ? Ou fait sur la racine germanique stund, être debout ?

ÉTÊTUÉ, ÉE, adj. — Se dit des moellons (ou même de toute autre pierre) dégrossis au têtu (v. ce mot). Ceux qui, croyant parler plus académiquement, disent moellons étêtés, se trompent de gros, car c’est têtu, et non tête qui est la racine.

ÉTIRER. — Étirer le linge, « dites détirer. Étirer ne se dit que des métaux. » Nuances bien fines pour un simple bourgeois comme moi.

Étirer à quatre épingles, « dites tiré à quatre épingles. » Cependant puisqu’on dit détirer le linge, on devrait dire détiré à quatre épingles.

ÉTISIE, s. f. — Maigreur, consomption. Tomber en étisie. Locution constamment usitée chez nous. « Écrivez phtisie, » dit Molard. Pourquoi ? Étisie était déjà, en 1795, en plein Dictionnaire de l’Académie.

ÉTOFFE. — Grand étoffe (il ne vaut pas). — « Les dits lieutenants et enseignes ne sont pas personnages de grand étoffe. » (Lettre de 1600. Péricaud, cité par Em. Vingtrinier.)

ÉTONNÉ. — Étonné comme une poule qui a trouvé un couteau, Fort étonné. Je me demande cependant si le couteau ne serait pas encore plus étonné, si c’était lui qui avait trouvé la poule.

Étonné comme s’il lui poussait des cornes. Inexact. On ne s’en aperçoit pas.

ÉTOUFFOIR, s. m. — « Dites éteignoir. » Que non pas ! Dans le premier mot, j’ai en vue d’étouffer la flamme ; dans le second, d’éteindre la lumière. Deux faces de la même idée.

ÉTOURDISSEMENT, s. m. — Vertige.

ÉTRANGER, v. a. — Étranger quelqu’un, Lui vendre trop cher. Littéralement le traiter comme un étranger et non comme un compatriote.

Il ne faut pas étranger les successions. Dicton très fréquent chez nous et qui signifie que, lorsqu’on a des parents, on