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de substituer un sens à l’autre, à cause de la minime valeur des épingles. Ainsi dit-on Avoir des liards pour Être riche.

ESPOLIN, s. m. — Petite navette pour les brocheurs. Se dit parfois pour petit enfant. « Je ne sai comme sa se fit…, je finis par faire un petit nespolin. » (Lettre de la Satinaire.) L’espolin est considéré comme l’enfant de la grosse navette. Ital. spola, du vieux haut allem. spuola, navette.

ESPRITÉ, ÉE, adj. — Se dit de quelqu’un qui a de l’ême, de l’intelligence, du savoir. André-Marie Ampère était bien esprité. — Dérivé tout naturellement d’esprit.

ESQUEPRÈS. — À l’esqueprès, par esqueprès. — La Parnette est de si bon command qu’on dirait qu’elle a le caractère fait à l’esqueprès pour s’ n’homme. Il l’aura commandée à la Grenette, bien sûr ! (Je dois avouer que cet exemple est rare.) — Plus agréable au prononcer qu’exprès. L’exemple montre que cs, quoique en disent certains philologues allemands, peut se transformer en sc.

ESQUILETTE, s. m. — Squelette. Nous avons préposé e comme dans tous les mots français bien faits, qui commençaient en latin par sp, st, sc : esprit, estomac, estime, estame, échine, etc. On devrait dire de même estation, espatule, escandale, etc. La prononciation est incomparablement plus euphonique.

ESQUINTER, v. a. — Abîmer, échiner. Une femme pour qui je me suis esquinté ! Non d’échine, mais du vieux provenc. esquintar, esquissar, néo-provenç. esquicha, écraser, qu’on rapporte à σχιζειν ou à scissum, influencé par σχιζειν.

ESSEMINS, s. m. pl. — Semences. Il pleut ; c’est un bon temps pour les essemins. — De sementes.

ESSENCE. — Essence de Venissieux. Voy. Artillerie de Villeurbanne.

ESSUYER. — Cette bonne, elle essuie les milieux, et puis les coins, si n’en veulent, faut qu’i s’amènent.

ESTASES, s. f. pl. — Pièces de bois horizontales, placées en haut du métier, et qui le maintiennent dans le sens de la longueur.

— De statia, de stare, parce que les estases maintiennent le métier en équilibre.

ESTIQUER, v. a. — Frapper, piquer. « Je l’i avoui que c’était les agnolets de la Barnadine qu’aviont estiqué dans me n’âme. » — De l’allem. stich, chose pointue.

ESTOC, s. m. — Ême, esprit, intelligence, capacité. — Le jeune Pouscayon a de l’estoc. Aussi le vela clerc d’huissier. — Dérivation du sens de l’expression être de bon estoc, être de bonne souche, confondue avec faire quelque chose de son estoc, le faire de sa propre idée. D’où avoir bon estoc, avoir de l’idée naturelle.

ESTÔME, s. m. — Estomac. Avoir mal à l’estôme. — Ce n’est nullement une corruption d’estomac. C’est l’accentuation grecque στόμαχος. Ceci semble indiquer que l’influence grecque s’est directement exercée chez nous.

ESTOURBER, v. a. — Tuer. — De l’allemand sterben, mourir, par le participe gestorben. Le sens du vieux allem. sterbian était tuer. Le mot lyonnais existait bien avant l’invasion de 1815.

ESTRACLE, s. m. — Se dit de quelqu’un de chétif, d’un gringalet, d’un avorton. Ne s’emploie guère isolé d’un complément. Un estracle d’homme. « Vous voyé la confle de savon, que prend la couleur gigié de pigeon, s’envolé d’un air orguyeux et semble devoir grimpé pardessus la sorpente du fier-mamant ; mais tout d’un coup un estracle de moucheron vient la poché et la fait tumbé z’en bâve ! » (Oraison funéraire.)

Vieux franc. estrac, maigre, mince, grêle, du vieux haut allom. strac, étiré, allongé.

ESTRANGOUILLER, v. a. — Étrangler. S’emploie surtout au sens comique. Un mari à sa femme qui lui fait son nœud de cravate : Fannie, as-tu bientôt fini de tiripiller ma cravate, te m’estrangouilles ! Est-il fabriqué de l’allem. strangulieren ? Je crois plutôt que ce n’est qu’une forme d’estringoler (voy. ce mot), avec substitution du suffixe comique ouiller.

ESTRINGOLER, v. a. — Étrangler. Au fig. esquinter, exténuer. La bourgeoise : Je