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perte matérielle, si on y a fait l’aumône, et avec un gain moral, si l’on y a pris de bonnes résolutions.

ÉGLOMISER, v. a. — Voilà un mot qui n’a eu qu’une existence d’un jour. Vers 1835-1845 la mode était d’églomiser les gravures et surtout les dessins sous cadre, c’est-à-dire, au lieu de les laisser se détacher sur un fond blanc, de les entourer de une ou plusieurs bandes, de couleurs douces, lavées à l’aquarelle et séparées par des traits noirs. On trouvait que cela faisait ressortir le dessin. J’ai vu des mine-de-plomb des Flandrin églomisés. Je serais assez disposé à croire que c’était une mode lyonnaise. Églomiser avait été forgé sur ἐγγλυμμα, image gravée.

ÉGRAFINER. Voy. grafigner — J’ignore pourquoi n se mouille dans une forme et non dans l’autre.

ÉLANCÉE, LANCÉE, s. f. — Douleur soudaine, « poussante », que l’on ressent par intervalles dans un organe malade. Mon panaris me donne des lancées. On a comparé la douleur à celle d’un coup de lance.

ÉLEVURE, s. f. — Voy. boucharle. — Élevure est le vieux franç. enleveure, de lever, qu’on trouve dans Cotgrave.

ÉMANCHETTES, s. f. pl., terme de canuserie. — Petites bandes de papier épais, larges de un ou deux centimètres, qu’on place sous les cordons, au rouleau de devant, pour les faire prêter, afin qu’ils ne tirent pas plus que l’étoffe. — C’est manchettes, orné d’un préfixe. Sur le sens, comp. manchettes d’imprimerie, ce qui est imprimé sur le bord en marge.

EMBABOUINER, v. a., terme péjoratif. — Séduire, amadouer. Le Roch est embabouiné de la Josette, Il est féru de la Josette. — De babouin, au sens de visage ; mot à mot : « Il s’est épris du babouin de la Josette. » Vieux franç. embabouiner, tromper.

EMBARGAILLER, Forme d’emmargailler.

EMBARLIFICOTER (S’). — Dans l’édit. de 1803, Molard donne la forme emberlificoter, qu’il corrige par s’embarrasser, s’emberlucoter. « Emberlucoter » n’existe pas. C’est peut-être une faute d’impression, car on lit dans l’édit. de 1810 : « Dites s’emberlucoquer. » L’erreur est magistrale. S’emberlucoquer signifie se coiffer d’une opinion et non s’embarrasser. Quant à emberlificoter, il a fait du chemin depuis Molard, et Littré, Scheler lui ont donné une pieuse hospitalité.

EMBARRAS. — Ce n’est pas l’embarras. Sorte de précaution oratoire, que l’on emploie à cha-phrase, et dont je ne trouve pas l’analogie en langage académique : Ce n’est pas l’embarras, mais je crois que tous ces montages par actions y a bien des filous… Ce n’est pas l’embarras, mais je crois bien que le père, le fils et le gendre sont trois jeanfesse ensemble… Ce n’est pas l’embarras, mais il me semble bien que mame Culasson a pris une postume de neuf mois, et ainsi de suite. « C’est pas l’embarras, dit l’Adresse des canuts à l’empereur Napolyon, nous pensons ben qu’une fois que votre n’épouse, la Marion (Marie-Louise), vous aura joint, elle saura le mettre en cage (l’aigle) et endeurmi z’un peu se n’ardeur… »

Faire ses embarras. Se dit d’un piaffeur, de quelqu’un qui veut faire de l’esbrouffe.

EMBARRASSÉE. adj. — Qualification trop juste pour une fille enceinte.

EMBARRER. Voy. barrer 2.

EMBIERNE, s. f. — Embarras, enuui, difficulté de toutes sortes. Un Parisien dirait emm…ment (les étymologies concordent). Je passais un soir avec Briochier, de Saint-Pierre (donc qu’il est aujourd’hui membre de la Société d’architecture), dans la rue Casse-froide. Nous rencontrons Galuchet (donc qu’il est aujourd’hui fabricant de vins de Bordeaux) qui s’amenait avec une cariatide sous le bras. Y en a qu’aimont le z’embiernes, me dit Galuchet avec sa philosophie sereine. Le bon père Ustache Grottard, du Mont-Sauvage, disait aussi que les deux plus grandes embiernes du monde, c’étaient une canante et des dûs (les deux, des fois, vont de compagnie). — Subst. verbal d’embierner.

EMBIERNÉ, ÉE, adj. — Qui a des embiernes.

EMBIERNER, v. a. — Créer des embarras, des difficultés, des ennuis. Très péjoratif. Vaut autant à dire comme enquiquiner. Une bonne mère dira à son fils : Fourt, fourt ! b… de caquenano, que te m’em-