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heures sans décesser de dégobiller ! Mais on ne dira pas, au sens affirmatif, même en style noble : « Ici maître Braillard décessa de discourir. » — Molard, en blâmant l’expression, ajoute : « Si elle était permise, elle signifierait le contraire de ce qu’on veut dire. » Si Molard a raison, découler est le contraire de couler ; déchoir est le contraire de choir ; découper est le contraire de couper ; détailler est le contraire de tailler ; déchiqueter est le contraire de chiqueter, et faillir est le contraire de défaillir.

DÉCHARGE, s. f., terme de construction. — Pierre de taille ébauchée, épaisse, que l’on place au-dessus de la couverte d’une baie pour décharger cette couverte, et empêcher que celle-ci, qui est ordinairement taillée et mince, ne pète sous un tassement.

DÉCHARPILLER, v. a. —. Voy. charpiller.

DÈCHETÉ, ÉE, adj. — Qui a dépéri, qui est diminué, affaibli. J’ai vu le pauvre Coquasson, que vient de passer trois mois au Grand Dôme. Comme il est dècheté ! Ou encore : Depuis que le Maquiu s’est marié, il est tout dècheté. — Fait sur déchet. Se confond souvent avec déjeté, qui est un mot différent.

DÉCHICOTER, v. a. — Déchiqueter. Totole, veux-tu bien ne pas déchicoter ton pain comme ça, petit cayon ! — Vieux franç. deschicoter, qu’on trouve dans Cotgrave, et qui doit venir de chicot, comme déchiqueter de chiquet.

DÉCIZE, s. f. — Descente au fil de l’eau. Au temps des Modères, la descente d’un bateau, de Serin à Ainay, constituait une décize, comme la remonte constituait une mode. — De descensa.

DÉCLAVETÉ, ÉE, adj. — Malade, mal en train. Depuis que j’ai pris un coup de froid à la vogue des Choux, je suis tout déclaveté.

DÉCLAVETER, v. a. — Se déclaveter l’épaule, le genou, l’épine du dos, Se déboîter les os dont s’agit.

DÉCOCHONNAGE, s. m. — Action de faire sa toilette. Je vas dîner à la Préfecture, c’est le coup du grand décochonnage !

DÉCOCHONNER (SE), v. pr. — Expression élégante pour « faire sa toilette ». Très usité. Une bonne bourgeoise disait devant moi à l’une de ses amies : Moi, j’ai trop à faire pour m’approprier sur semaine, mais le dimanche je me décochonne à fond ; ça fait plaisir à mon mari. À quoi l’autre de répondre : Moi je me décochonne bien pour aller à la messe, mais quand je reviens, je me mets en sale pour faire mon ménage.

DÉCOMPOSER, v. a., terme de fabrique. — Décomposer une étoffe. C’est, en l’examinant à l’aide du quart de pouce, en compter les fils, relever leur mode de baisser et de lever, et, d’après ces éléments, reconstituer le dessin, l’empoutage et le remettage, de manière à pouvoir au besoin reproduire l’étoffe sur le métier.

DÉCOMPOSITION, s. f., terme de fabrique. — Action de décomposer (voy. ce mot).

DÉCORÉ, ÉE, adj. — Se dit parfois de quelqu’un qui a le cœur sur les lèvres. Je me sens toute décorée ce matin. — Vous avez p’t-être une poire à deux yeux que vous bouligue le ventre. Hi, hi, hi ! De cor, cœur. C’est une forme d’écœuré avec changement de préfixe.

DÉCOCONNER, v. n. — Perdre la boule, devenir gaga.

DÉCOUVRIR. — Découvrir un lit est proscrit par Humbert, qui le traduit par « faire la couverture d’un lit, préparer le lit avant que de se coucher ». Mais c’est faire la couverture qui n’est pas français ! Le matin, que bien s’accorde, on a fait votre lit. Le soir venu, la Marie relève la couverture en manière de mouchoir, à celle fin que vous puissiez entrer dans votre lit tout de go ; place votre cascamèche et votre chemise sur le lit, et vos bamboches à portée. Si ce n’est pas là découvrir un lit, que diable est-ce faire ?

DÉCRASSER. — Décrasser le cœur. C’est assez connu de tous nos anciens que de dormir encrasse le cœur. Aussi le matin, si vous êtes décoré, dégoûté, affadi, prenez-moi une bonne tasse de café noir sans sucre, avec du jus de citron dedans. N’y a que ça pour bien décrasser le cœur.

DÉCRASSOIR, s. m. — Linge pour se décrasser. Au beau de l’Empire, un artiste