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ABOUSER (S’), v. pr. — S’écrouler. S’emploie au neutre. La tour Pitrat s’abousa le 2 août 1828.

Babolat, sais-tu la nouvelle ?
La tour Pitrat vient d’abouser.

Quelques personnes diront en voyant une dame tomber sur les reins : Cette dame s’est abousée, mais c’est une manière inconvenante de s’exprimer. Il est préférable de dire : Cette dame est tombée à cacaboson. — Parlant par respect, de bouse. Lorsque la tour Pitrat s’écroula, ma mère, qui descendait le Chemin-Neuf, la vit disparaitre dans un nuage de poussière. Une bonne femme, qui était près d’elle, lui dit, tout émue : Madame, avez-vous vu ? Elle s’est abousée comme une… Cette femme avait l’image étymologique.

ABRI. — Être à l’abri du bien-être. — M. Paillardon a mangé tout son saint-frusquin avé de canantes. — Ben comme ça, le voilà à l’abri du bien-être pour le restant de ses jours.

ABRIVÉE, s. f. — Élan, impulsion. Prendre son abrivée. Vieilli — Du vieux franc. abriever, se hâter, se précipiter, qui s’est conservé dans le patois abrivô, avancer à l’ouvrage. Vieux prov. brivade, impétuosité.

ABRIVER (S’), v. pr. — Venir, s’amener. Voyez abrivée.

ABSENCE. Dans Faire une absence, s’absenter. La locution n’est pas française, assure-t-on, car on ne fabrique pas une absence. On ne fabrique pas non plus un chemin, et l’on dit bien faire un long chemin.

ABSTRAIT, TE, adj. — Se dit de quelqu’un qui va toujours brougeant, plongé dans ses réflexions. Pas la même chose que distrait. Un distrait n’est qu’un étourneau ; un homme abstrait est distrait parfois, mais à meilleures enseignes. Le grand Ampère était toujours abstrait ; ce négociant lyonnais qui signait l’acte de naissance de son fils « X… et Cie » n’était que distrait. « Il y a un certain parti à prendre dans les entretiens, dit La Bruyère, entre une certaine paresse qu’on a de parler, ou quelquefois un esprit abstrait, qui, nous jetant loin du sujet, etc. »

ACADÉMIE, s. f. — École vétérinaire, hôtel-dieu des chiens et des chats. Quand on a quelqu’un de ces compagnons malade, on le « porte à l’Académie ». On y fait aussi subir aux matous certaines opérations délicates pour leur éclaircir la voix, du moins si l’effet produit est le même que sur les chantres de la chapelle Sixtine.

Personne chez nous n’appelle l’École vétérinaire autrement que l’Académie. Quand M. de la Saussaie, nommé recteur de l’Académie de Lyon (en français), vint prendre livraison de son poste, il héla un fiacre à la gare de Perrache et dit au cocher : « À l’Académie ! » Le cocher le mena tout de go au quai Pierre-Scize.

Claude Bourgelat, Lyonnais, fondateur des écoles vélérinaires, dirigeait à Lyon l’école que l’on appelait Académie, et où l’on apprenait aux jeunes gentilshommes un brin de mathématiques, le blason, mais surtout à monter à cheval, à voltiger, à faire des armes, à danser, à secouer élégamment le jabot, « et autres vertueux exercices », dit la délibération consulaire qui l’établit ou plutôt la rétablit en 1716. L’École vétérinaire instituée par Bourgelat, en 1762, avec l’appui de l’aulorité locale, fut d’abord une annexe de l’école d’équitation. De là, le nom d’académie qui l’a suivie partout, à la Guillotière, à Pierre-Scize, et qu’elle conserve plus d’un siècle après que l’Académie des jeunes gentilshommes a cessé d’exister.

ACAGNARDIR (S’), v. pr. — S’acagnarder. La terminaison ir, plus régulière, vient de ce que les verbes inchoatifs font partie de la 4e conjug. lat. en ire. Nous disons s’acagnardir parce que c’est une habitude, et se cagnarder parce que c’est une action.

ACASSER (S’), v. pr. — Se baisser à terre en ne pliant que les jambes. Par extens. se laisser aller de fatigue. Un homme écléné, se jetant dans un fauteuil : Je n’en puis plus, je m’acasse. — De ad-quassare. Comp. vieux franc. quas, fatigué, épuisé.

ACCOCATS, s. m. pl — Crémaillères ou dents en bois de noyer, fixées horizontalement aux estases du métier de canut et auxquelles le battant est suspendu. « Que je ne désire rien tant que de vous prouver me n’assiduité à battre la marche, après n’en avoir ajusté les accocats. » (Déclaration d’un ouvrier en soye à une satinaire, 1795). — Ital. accocati, même sens, qu’on trouve dans les mss. florentins du xve siècle, et dérivé lui-même de accocare encocher, fixer à une coche (cocca).

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