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ABBICHON, s. m. — Jeune abbé qui n’est pas encore ordonné prêtre. — D’abbé. Le suffixe ichon est diminutif et drôlatique. Comp. cornichon, folichon, anichon. Le vieux franc. disait aussi un moinichon.

ABERGEMENT, s. m. — Bande de métal que l’on met autour des souches de cheminée pour que l’eau ne filtre pas entre la souche et la tuile. Sur les comptes les abergements en zinc sont toujours en zinc no 14, et ceux en fer-blanc double croix, c’est-à-dire en tout ça qu’il y a de mieux. Je dis sur les comptes, je ne dis pas sur les toits. — En vieux lyonn., il signifiait location, abénevis : « L’abergement du Mas des Escharolieres, à Pierre Sevo, sous le servis de 3 sols viennois… » (Le Laboureur.) — D’aberger comme logement de loger.

ABERGER, v. a. — Aberger un couvert, un bâtiment, c’est le couvrir avec des tuiles disposées provisoirement pour l’abriter, en attendant une couverture définitive. — Du vieux franc. abergier, employé souvent pour herbergier, loger, habiter ; lui-même d’herberge, couverture, tente. Aberger est donc couvrir avec une herberge, c’est-à-dire une couverture provisoire. — De l’allem. Herberge, auberge.

ABLAGER, v. a. — 1. Ravager, saccager, accabler. La grêle a ablagé toute la recorte… — I m’a ablagé de sottises.

2. Chasser avec bruit. La Guerite est en train de pleurer. La maman : Si l’avais ablagé le miron, au lieu de le coquer comme une imb’cile, i t’aurait pas graffinée. — D’ablaticare, fait sur ablatum.

ABONDE. — Faire de l’abonde, profiter, être avantageux. Dans les bonnes maisons on achète beaucoup de farine jaune pour les enfants parce que ça fait de l’abonde. — Subst. verbal d’abonder.

ABONDER, v. n. — Suffire, parvenir à, faire de l’abonde. S’emploie le plus souvent au sens négatif. — J’ai une faim que je n’abonde pas à me remplir l’estomac, me disait un jour une aimable dame, épouse d’un gros fabricant calé, à côté de laquelle j’avais l’honneur de diner.

ABONNER (S’Y). — Faire souvent la même chose : Est-ce que te t’abonnes à me faire jicler de bassouille ?

ABORD (D’), adv. — 1. Bientôt. Où que vous allez comme ça, père Clapoton ? — Au magasin, puis je reviens vite, la bourgeoise tirerait peine. J’aurai d’abord fait.

On dit aussi et surtout d’abord après. — D’abord après mon diner, j’ai sentu qu’y gn’avait quèque chose qui me bouliquait la ventraille.

2. Adv. affirmatif : D’abord, je ne l’aurais pas fait sans regarder. L’extension du sens s’explique, si l’on remarque qu’ici d’abord peut se remplacer par premièrement.

ABOUCHÉ. — Dans l’expression pain abouché, c’est un pain qu’on a mis à cuire en renversant la petite paillasse ronde dans laquelle est la pâte. Pour le pain non abouché, il se nomme du pain jeté, parce qu’on le jette au four comme un palet. Toutes les ménagères vous diront que le pain abouché est meilleur. Si je sais pourquoi, je veux être étranglé. Je sais seulement que le mitron étant obligé d’enfariner le fond de la paillasse pour que la pâte n’y adhère pas, on s’enfarine sa vagnote quand on veut couper le pain abouché, ce qui n’arrive pas avec le pain jeté.

ABOUCHER, v. a. — Mettre sens dessus dessous tout objet qui a une bouche : un verre, un sieau, un thomas, un pain, quoiqu’il n’ait pas de bouche, mais la paillasse où il était en avait une. On ne dirait pas aboucher un livre, des bretelles, une gobille, un mât de cocagne, d’abord parce que vous ne sauriez comment faire. — Si usité que j’ai eu le plaisir de le retrouver dans un chapitre — d’ailleurs très joli — des Bluettes et Croquis, de M. Linossier, où il s’est glissé sournoisement sans en prévenir l’auteur : « Les plus jeunes, âgés de deux à trois ans… remplissent de sable humide de petits seaux, qu’ils abouchent ensuite. » Règle de la civilité : Ne jamais aboucher le pain sur la table, c’est-à-dire le mettre à l’envers. La personne du sexe qui en serait coupable s’exposerait à se faire dire une grosse inconvenance. À Nyons, on dit que cela « fait pleurer un ange ».

ABOUCHER (S’), v. pr. — Tomber en avant (sur la bouche). « S’abouchant sur un petit lit vert, elle demeura fort longtemps sans respirer », dit l’Astrée.

ABOULER, v. a. — Abouler l’argent. Payer. — De boule, l’argent roule comme une boule.

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