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sait que les cordiers travaillent en reculant. — Le digne abbé Ponthus, vicaire à Saint-Bonaventure au temps du curé Pascal, il y a septante-cinq ans, était Lyonnais de franc pied. Passant dans un village du Dauphiné, il avise un cordier à son travail. En ce temps-là, le souvenir de la potence était encore très vivant. Vous travaillez là pour les gens de votre pays ? dit le père Ponthus avec bonté. — Oh oui, mecieu le curé ! Ce ne fut que lorsque le père Ponthus eut fait quelque cinquante pas que l’autre s’aperçut qu’on lui en avait baillé à garder. — Et pour ceux du vôtre aussi ! cria-t-il de toutes ses forces.

CORDONS, s. m. pl., terme de canuserie. — Liserés en forte soie à droite et à gauche de la chaîne pour consolider l’étoffe.

CORÉE, s. f. — Poumon des animaux, mais plus spécialement du mouton et, parlant par respect, du cayon. — Se dépondre la corée. C’est très mauvais. C’est des fois en faisant un effort, d’autres fois de faiblesse. On ne s’en aperçoit pas toujours tout de suite. Quand on s’en doute, il faut voir un bon rhabilleur, car nous avons les médecins qui n’y entendent rien. De cor. La corée est ce qui tient au cœur.

CORGNÔLE, s. f. — Gosier. Le bon curé X… buvait un jour avec moi du vin de Côte-Rôtie. Pour boire dignement cela, disait-il, il faudrait avoir la corgnôle longue comme d’ici Fourvières (N. B. que, lorsqu’il le disait, il était à deux cent quarante-deux kilomètres et quart de Lyon). C’était exagéré, mais on ne peut disconvenir que les gens qui ont le cou long n’aient un grand avantage sur les autres.

Se jeter quelque chose dans la corgnôle, Faire passer quelque chose dans la corgnôle, Se laver la corgnôle, S’adoucir la corgnôle, Se rincer la corgnôle, etc., toutes expressions fort littéraires pour Boire. Se couper la corgnôle, expression généralement et heureusement exagérée pour Se battre en duel. — De corne, pris au sens d’objet creux.

CORGNOLON, s. m. — Diminutif de corgnôle, mais ayant gardé le sens plein du terme.

CORIAU, s. m. — Baie de l’églantier. « Dites gratte-cu (sic) », ajoute le bon Molard. Fi ! l’horreur ! Si j’avais été appelé à l’honneur de faire le Dictionn. de l’Acad., j’aurais mis plus honnêtement : « Gratte-cul, dites coriau. »

C’est la forme lyonnaise de corail. La couleur a inspiré le nom. Dans nos campagnes, les fillettes percent les coriaux dans le sens de la longueur et s’en font des colliers de corail à bon marché.

CORNARD. — Les Cornards du Bourchanin. Beaucoup de vieux quartiers de Lyon avaient jadis des sobriquets injurieux.

Car l’on nous prendrait, pour certain,
Pour des cornards du Bourchanin,

dit l’auteur de Lyon en vers burlesques. Il est vraisemblable que le nom vient de l’enseigne d’une maison de la rue Bourchanin, démolie en 1868, qui portait, au-dessus de la porte d’allée, deux mascarons cornus avec l’inscription : Sunt similia tuis.

CORNE, s. f. — Chausse-pied. Ma coque, je n’ai pas de corne. — Je te dis que si ! — Je t’assure que non ! — Ah, tu m’ennuies ; je te dis que j’en suis sûre ! — En effet, tu as raison, ma coque, la voilà !

Ce mot qui m’a été souvent signalé, voire par un docte professeur de l’Université comme un « lyonnaisisme », s’étale pourtant en plein Dictionn. de l’Acad. — De ce que, jadis, les cornes étaient en corne ; mais il y a aujourd’hui des cornes en ferblanc, des verres en maillechort, des pavés en bois, des chemins de fer en acier, et des « Cheval de Bronze » en marbre.

CORNET, s. m. — Tuyau. Un cornet de poêle, Un cornet de bateau à vapeur, et, parlant par respect, Un cornet de latrines. Le 30 octobre 1778, un arrêté du Bureau des finances ordonne à tous les propriélaires de mettre des « cornets de descente (tuyaux d’eau pluviale) » à leurs maisons. — À cornet comp. corgnôle, où corne est pris aussi au sens d’objet creux formant tuyau.

CORNUE, s. f. -— Sorte de petit benot à deux becs (d’où le nom), que les sablonniers portent sur l’épaule pour transporter le sable du bateau au tombereau. Dans le Midi, c’est le nom donné à notre benne de vendange.

CORPORANCE, s. f. — Grandeur et grosseur du corps. J’ai vu le nouveau mami à la Guerite ; il n’est pas d’une grosse corporance, mais il est vigoret, autant un jicle !