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dont ils se sont nourris. Cette objection paroît se presenter naturellement ; mais M. Hecquet l’a bien prévûë, comme on le voit par la réponse qu’il fait à la difficulté suivante. Si le chyle, dit M. Astruc, n’est formé que de parties integrantes de pain, de viande, &c. ce chyle ne sera donc qu’un amas de parties de pain, de viande, &c. Je nie la consequence, dit M. Hecquet. Ces parties cessent d’être parties de pain, d’être parties de viande, dés qu’elles en auront perdu le goût, l’odeur, & la couleur. Il est à craindre qu’on n’objecte là-dessus à l’Auteur, que les Cuisiniers sçachant l’art de changer le goût, l’odeur, & la couleur des viandes, jusqu’à les faire méconnoître, peuvent donc en donnant une certaine façon à de la chair de bœuf, de mouton, &c. en faire un mets permis en Carême. Notre Auteur dit que la trituration, dont il prend le parti, auroit beaucoup gagné en d’autres mains, mais que l’avantage n’est que differé ; que si elle se défend aujourd’huy dans les siennes, elle triomphera bientost en d’autres. Ce nouveau Combattant dont il annonce le triomphe, mettra sans doute au rang de ses victoires la solution de ces petites difficultez.

« On demande, poursuit Monsieur Hecquet, d’où vient que les mineraux & les métaux ne peuvent servir à nous nourrir. On en trouvera deux raisons : la premiere, parce que les mineraux n’ayant ni vaisseaux ni sucs semblables à ceux des animaux, ils n’ont ni convenance ni proportion avec les parties de nos corps : la seconde, parce que la nourriture dépendant d’un affinage inimaginable, les mineraux ne peuvent y contribuer en rien… Cette convenance est cependant telle que sans elle la fluidité seroit insuffisante, la digestion n’étant qu’une décomposition qui doit conserver aux substances dissoutes leur caractere & leur qualité naturelle ; de sorte que la nourriture qu’elles operent fait une sorte de revification de sucs déja formez, qui se retrouvent en nature, & qui vont s’unir aux parties qu’ils vont nourrir. Il est donc vrai de dire, continue toujours M. Hecquet, que la digestion est moins une dissolution de principes que de parties integrantes, qui perdant leur forme sans quitter leur nature, restent propres à se corporifier ou à composer des