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sensibles sont parties intégrantes des solides qui s’usent, ce sont aussi des parties intégrantes d’alimens qui doivent les remplacer, &c.

Ce que M. Hecquet répond ici à M. Astruc, se trouve développé plus au long dans le premier Chapitre du Livre. « Cette digestion, dit-il, est moins une production de nouvelles substances, qu’un dévelopement de celles qui sont renfermées dans les alimens. Ces substances leur viennent des animaux & des plantes d’où les alimens sont tirez : ce sont par conséquent des matieres qui ont déja servi à nourrir, & qui ont moins besoin de changer de nature que de lieu ou de place. En effet, aprés avoir servi de nourriture dans un animal ou dans une plante, elles passent par la digestion en celle d’un homme. Ainsi la nourriture n’est dans l’homme que le remploi de la même matière qui a nourri, par exemple, l’animal, laquelle étant désunie d’avec les parties du corps de celui-ci, s’applique à celles du corps de l’autre, d’où il faut conclurre que la digestion des alimens n’est qu’une desunion de matieres. Ces matieres faisoient des vaisseaux dans les corps des animaux & des plantes, & elles deviennent propres par la digestion à former des vaisseaux dans celui de l’homme. Dira-t-on que les vaisseaux dans une plante ou dans un animal, sont differens de ceux qui composent le corps humain ? Cette varieté n’est qu’apparente, puisqu’elle supose moins une difference de nature que de modification, parce que ce ne sont que des situations changées, des déplacemens differens, de même qu’une laine differemment travaillée, plus ou moins frappée, fait des étoffes differentes. »

Tel est le sentiment de M. Hecquet sur la digestion & la nutrition. Quelques Lecteurs trouveront peut être ce sentiment un peu favorable aux ennemis du Carême, qui diront sans doute que puisque les alimens ne changent point de nature en nourrissant les animaux, que puisque la difference qu’ils prennent alors n’est qu’apparente, il s’ensuit que la chair du bœuf, du mouton, & de tant d’autres animaux qui ne vivent que d’herbes, de fruits & de grains, ne devra non plus être défenduë en Carême que les herbes, les fruits, & les grains