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Doria « Acte d’humilité fort recherché, remarque M. Malo en fin psychologue, car il faut être très grande dame pour avoir le droit de l’accomplir dans ces conditions ! » L’académie du Tibre ouvre ses rangs à Mlle Gay, qui, comme cette Corinne à laquelle on l’a tant de fois comparée, montera au Capitole le 16 avril 1827. Le voyage s’achève par un long séjour près de la reine Hortense, au château d’Arenenberg, où se réunit encore une petite cour fidèle au malheur. Delphine y compose une romance réclamant pour l’exilée le droit de revenir prier en France sur la tombe de sa mère.

À la fin de la Restauration, comme le remarque finement le biographe de Delphine, celle-ci commence à manifester un genre de talent plus original chez elle que ses dons poétiques, un peu conventionnels c’est la critique pénétrante, ironique et spirituelle des travers du temps, qui fera le renom du « vicomte de Launay », son pseudonyme dans le journal de son mari. Elle écrit à Alexis de Saint-Priest, qui ne parvient pas à faire représenter une pièce de sa façon :

Je vous engage à en composer une autre à la mode du jour, avec beaucoup de rime et peu de raison. Cherchez quelqu’imagination dans le genre du nouveau drame de M. Dumas. C’est une femme, qui, pour l’empêcher d’être jaloux du roi avec lequel elle se promène en bateau, enferme son mari dans un cachot dont elle garde toujours la clef. Le roi, plein de finesse, lui fait entendre que, si elle cessait tout à coup de porter à manger à son mari, elle pourrait devenir veuve et lui, roi, pourrait l’épouser ! Alors, tirant de son sac la clef du cachot conjugal, elle la laisse tomber tendrement dans le lac, en s’écriant « Je suis reine ! » (Il s’agit d’Edith aux longs cheveux.)

C’est à ce moment que Balzac entre dans l’intimité des Gay, Sophie, Delphine et une autre fille de Sophie, la comtesse O’Donnell, un trio de femmes spirituelles, railleuses, ne redoutant pas les histoires gauloises qu’il narre si volontiers, en préludant de la sorte à des Contes Drolatiques. L’ancienne merveilleuse le documente sur le Directoire, comme Mme de Berny sur l’Ancien régime, Mme d’Abrantès sur la cour impériale, la marquise de  Castries sur la société de la Restauration. Delphine figure à la première représentation d’Hernani, acclamée par les champions du drame comme la Muse de ces jeunes gens. Elle chante la prise d’Alger, sympathise avec l’orléanisme au pouvoir. Mais la situation matérielle de la famille empire. Il faut vendre la maison de Villiers-sur-Orge, Delphine manque un mariage