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pianiste et de cantatrice. Lorsque Garat la rencontre dans un salon, ou même dans une salle de concert, il ne veut être accompagné que par elle. Son mari, d’humeur moins mondaine, cherche en vain à la modérer dans ses plaisirs ils reprennent leur liberté d’un commun accord en 1799. Sophie n’a que vingt-quatre ans. Elle conserve l’éducation des deux filles nées de cette union et ne tarde guère à se remarier.

Sigismond Gay, de famille lyonnaise, riche puis ruiné lui aussi et disposant alors de ressources modiques est du moins jeune, actif et assurera, sa vie durant, au ménage une large existence. Sophie assiste, en observatrice curieuse et avisée, aux rapides transformations de la société française dont elle notera plus tard les phases avec justesse et avec esprit dans son livre sur les Salons célèbres. Elle publie un premier roman, Laure d’Estelle, édité par un membre de l’Institut, le chevalier de Pougens, fils naturel du prince de Conti. « Le style de Mme Gay, écrit le vicomte de Ségur dans le Journal des Débats se distingue par un naturel, une facilité si aimable que chacun croit deviner le besoin qu’elle a eu d’écrire ce charmant ouvrage. Les personnages sont si bien établis, la gradation de l’intérêt marche avec une si profonde connaissance des ressources de l’art, que la louange même doit s’arrêter pour laisser au public des jouissances si peu attendues. » Le vicomte regrette seulement qu’un prêtre joue un rôle fâcheux dans l’ouvrage « Épaississons, dit-il, les voiles sur les vérités tristes. » – Le livre suscite au surplus quelques polémiques surtout parce que {{Mme[de Genlis}} s’y juge portraiturée de peu favorable manière et le fait attaquer par ses amis.

Cependant Sigismond Gay a fondé à Aix-la-Chapelle, occupée par l’armée française, une maison de commerce dont il conduit les affaires avec tant de succès qu’il est nommé sur place, en 1803, receveur général du département nouveau de la Roër. Les cent mille francs de revenu que lui procure cette place et les bénéfices de son établissement personnel lui permettent de mener grand train. C’est à Aix que naît, le 25 janvier 1804, une petite fille qui est appelée Delphine et par un hommage rendu au talent de Mme Staël, dont le roman du même nom vient de paraître, et parce que c’est celui de sa marraine, la marquise de Custine, amie de ses parents. Cette enfant sera Mme Émile de Girardin.