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LA CHANSON DU CIDRE


Bravement, le front haut, la mine insoucieuse,
La petite entra. Moi, l’âme fort anxieuse,
Plus tremblant qu’un coupable au seuil d’un tribunal,
Je m’ assis y à deux pas du confessionnal.
J’entendis tout, — Hélas, Dieu ! quelle coupe amère
Je dus boire ! Il fallait l’entendre, la commère,
Comme elle confessait, non ses propres défauts,
Non ses propres péchés, mais les miens, vrais ou faux !
L’œil béant, j’écoutais, comme à travers un songe,
— « Oh ! jamais, disait-on, je ne fais de mensonge :
« Mais Jean-Louis, mon frère, oh lui, c’est un menteur »
J’aurais voulu crier : « Moi, monsieur le recteur ?
« Ce n’est pas vrai du tout : c’est elle la menteuse !
« — Non, non, continuait la petite conteuse,
« Je n’ai jamais manqué ma prière du soir,
« Mais Jean-Louis, voyez, il aime mieux s’asseoir
« Que se mettre à genoux pour faire sa prière… »
Quoi, j’étais là, près d’elle, à quelques pas, derrière,
Parmi vingt pénitents qui l’entendaient aussi.
Et la traîtresse osait me dénoncer ainsi !
« Non, non, répondait-elle à quelque autre demande,
« Non, monsieur le recteur, je ne suis point gourmande,
« C’est Jean-Louis qui l’est. Il se bourre toujours.
« Quelquefois, il en est malade pour huit jours. »
Ah Dieu ! si j’avais pu me cacher sous la terre !
Cependant, je toussai pour la faire se taire.
Mais la luronne allait son train, sans s’arrêter,
Parlant très fort, et moi contraint de l’écouter.
« — Oh ! monsieur le recteur, moi je sais bien des choses.