Page:Le Guyader - La Chanson du cidre, 1901.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VIII
AVANT-PROPOS

tent la Bretagne en vers et en prose, — et Dieu sait si la banalité bretonne est un article courant, — Zola aurait pu faire un livre sur la Bretagne. Mais Zola, qui a des défauts, Zola qui a des vices, et qui en est pourri, et qui en a pourri des générations, Zola a une qualité littéraire : c’est un ouvrier consciencieux. Il a senti qu’il ne pouvait tirer de sa visite en Bretagne que des banalités. Il a préféré ne rien écrire.

Eh bien, ce qui est vrai pour Zola, et pour les Bretons de passage, est à demi-vrai pour nous. Nous qui sommes nés en Bretagne, nous qui avons, comme Luzel, été élevés au vrai foyer breton, nous qui, durant l’enfance, ne savions guère d’autre langue que la langue bretonne, nous qui avons vécu, souffert, aimé sur cette vieille terre si jeune encore par la candeur relative de ses mœurs, et la ferveur de ses enthousiasmes, quand l’audace nous prend de consulter la conscience, l’âme de ce grand peuple, nous sommes pris d’inquiétude, et la plume nous tombe des mains.

La Bretagne, d’ailleurs, pour préciser les choses, manque d’unité. Costumes, coutumes, idiomes, usages, mœurs, le contraste est saisissant à quelques lieues de distance. Ce qui a découragé Zola avait, déjà, déconcerté Flaubert. Pas de synthèse possible.