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femmes précisait. Elles laissaient tout le reste dans le mystère, et reprenaient sans cesse la question du retour des fiancés. L’une tenait pour le matin du lendemain. L’autre pour l’après-midi.

— Ma pauvre Moinelle, tu es toujours aussi folle, disait la plus jeune avec calme.

— Et toi, ma pauvre Adèle, toujours aussi entêtée. Il y a quatre ans que je ne t’avais vue, tu n’as pas changé, répondait l’autre en haussant les épaules, mais de sa voix la plus paisible.

Et elles continuaient ainsi à se tenir tête sans la moindre humeur. Meaulnes intervint dans l’espoir d’en apprendre davantage :

— Est-elle aussi jolie qu’on le dit, la fiancée de Frantz ?

Elles le regardèrent, interloquées. Personne d’autre que Frantz n’avait vu la jeune fille. Lui-même, en revenant de Toulon, l’avait rencontrée un soir, désolée, dans un de ces jardins de Bourges qu’on appelle les Marais. Son père, un tisserand, l’avait chassée de chez lui. Elle était fort jolie et Frantz avait décidé aussitôt de l’épouser. C’était une étrange histoire ; mais son père, M. de Galais, et sa sœur Yvonne ne lui avaient-ils pas toujours tout accordé !…

Meaulnes, avec précaution, allait poser d’autres questions, lorsque parut à la porte un couple charmant : une enfant de seize ans avec corsage de velours et jupe à grands volants ; un jeune personnage en habit à haut col et pantalon à élastiques. Ils traversèrent la salle, esquissant un pas de