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de quoi transformer en muscadin tel garçon qui eût passé la nuit précédente dans une bergerie abandonnée. Il y avait, sur la cheminée, des allumettes auprès d’un grand flambeau. Mais on avait omis de cirer le parquet ; et Meaulnes sentit rouler sous ses souliers du sable et des gravats. De nouveau il eut l’impression d’être dans une maison depuis longtemps abandonnée… En allant vers la cheminée, il faillit buter contre une pile de grands cartons et de petites boîtes : il étendit le bras, alluma la bougie, puis souleva les couvercles et se pencha pour regarder.

C’étaient des costumes de jeunes gens d’il y a longtemps, des redingotes à hauts cols de velours, de fins gilets très ouverts, d’interminables cravates blanches et des souliers vernis du début de ce siècle. Il n’osait rien toucher du bout du doigt, mais après s’être nettoyé en frissonnant, il endossa sur sa blouse d’écolier un des grands manteaux dont il releva le collet plissé, remplaça ses souliers ferrés par de fins escarpins vernis et se prépara à descendre nu-tête.

Il arriva, sans rencontrer personne, au bas d’un escalier de bois, dans un recoin de cour obscur. L’haleine glacée de la nuit vint lui souffler au visage et soulever un pan de son manteau.

Il fit quelques pas et, grâce à la vague clarté du ciel, il put se rendre compte aussitôt de la configuration des lieux. Il était dans une petite cour formée par des bâtiments des dépendances.