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mit sur le dos… La chambre était très obscure. Pas même la clarté que donne parfois le reflet de la neige. Un vent noir et glacé soufflait dans le jardin mort et sur le toit.

Je me dressai un peu et je lui criai tout bas :

— Meaulnes ! tu repars ?

Il ne répondit pas. Alors, tout à fait affolé, je dis :

— Eh bien, je pars avec toi. Il faut que tu m’emmènes.

Et je sautai à bas.

Il s’approcha, me saisit par le bras, me forçant à m’asseoir sur le rebord du lit, et il me dit :

— Je ne puis pas t’emmener, François. Si je connaissais bien mon chemin, tu m’accompagnerais. Mais il faut d’abord que je le retrouve sur le plan, et je n’y parviens pas.

— Alors, tu ne peux pas repartir non plus ?

— C’est vrai, c’est bien inutile… fit-il avec découragement. Allons, recouche-toi. Je te promets de ne pas repartir sans toi.

Et il reprit sa promenade de long en large dans la chambre. Je n’osais plus rien lui dire. Il marchait, s’arrêtait, repartait plus vite, comme quelqu’un qui, dans sa tête, recherche ou repasse des souvenirs, les confronte, les compare, calcule, et soudain pense avoir trouvé ; puis de nouveau lâche le fil et recommence à chercher…


Ce ne fut pas la seule nuit où, réveillé par le bruit de ses pas, je le trouvai ainsi, vers une heure du matin, déambulant à travers la chambre